Vide-poche : François Jullien


Shitao, peintre chinois du 17e siècle, voit dans sa peinture la mer se superposer à la montagne – ou la montagne à la mer :

« La métaphore ne nie pas la différence (par déni de l’objectif), mais elle la fait traverser en nous ramenant vers un stade plus originaire (d’avant ‘l’objectivité’). »

François Jullien, Cette étrange idée du beau, Grasset, 2010


Cézanne, La montagne Sainte Victoire vue des Lauves

Un recueil de Pierre Soletti illustré par Amélie Harrault


Un petit plaisir de début d’année (même si l’achevé d’imprimer précise que le livre a été réalisé « aux derniers jours encore accrochés à mai 2012 »… mais il a mis du temps à parvenir jusqu’à moi !) : le petit recueil Je dirais que j’ai raté le train, de Pierre Soletti, illustré (magnifiquement) par Amélie Harrault, aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune.

Quel bonheur d’objet ! D’abord le noir et blanc des dessins d’Amélie Harrault, pleins de fantaisie et d’une grâce folle, accroche irrésistiblement le regard. Et puis on lit les mots de Pierre Soletti disposés sur les pages au milieu des dessins, comme des miniatures de poèmes – ce sont les poèmes qui viennent décorer les dessins plutôt que l’inverse – et l’on découvre ceci par exemple :

solitude

je traverse la ville
seul dans la foule
mes vêtements m’accompagnent

ou bien, sur la même double page :

le vent soulève une jupe

dans ma tête
mais c’est encore plus
réel
comme ça

On savoure, ça glisse bien en bouche, tandis que les personnages jacques-tatiesques des dessins (grandes bringues à pipe, grandes filles étirées) nous font danser les yeux.
Encore !

Je dirais que j’ai raté le train, de Pierre Soletti et Amélie Harrault,
éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2012.