Vide-poche : Catherine Malabou

La philosophe Catherine Malabou sur la possibilité ou l’impossibilité de « la femme » (sur les questions philosophiques concernant le « féminin » : « l’essence » du féminin versus sa déconstruction) dans son très stimulant essai Changer de différence :

« Il vient un temps (…) où on laisse derrière soi les modèles, masculins, féministes, ou autres. Où l’on abandonne aussi la question de l’autorité. On ne fait autorité que lorsqu’on décide de se moquer de l’autorité. C’est là sans doute la dernière étape de la formation, peut-être même de la vie. (…) Il faut partir seule, déplacer, rompre, dégager de nouveaux espaces, devenir possible, c’est-à-dire renoncer au pouvoir. Le pouvoir ne peut rien contre le possible. »


Catherine Malabou, Changer de différence, Galilée, 2009, p. 157-158



Cindy Sherman, Untitled Film Stills

Hommage aux revues (4) : Javier Vicedo Alós dans Poésie/première

Une découverte dans le dernier numéro de Poésie/première : le jeune poète espagnol Javier Vicedo Alós, né en 1985.


Distancias

Sóló una distancia es terrible : la distancia entre dos cuerpos. Esos escasos centímentros que nos separan de los bultos anónimos en las calles, las tiendas, las oficinas, los cafés o nuestra propia cama. Qué cerca su pulso y el mío, su hambre antigua y mis manos de pan, y qué lejanía sin embargo, qué tupida alambrada de aire.


Distances

Seule une distance est terrible : la distance entre deux corps. Ces quelques centimères qui nous séparent des formes anonymes dans les rues, les magasins, les bureaux, les cafés ou notre propre lit. Si proche son pouls du mien, sa faim ancienne et mes mains de pain, et si loin cependant, quelle épaisseur de barbelés dans l’air.


Traduit par Edouard Pons, Poésie/première n° 59, septembre 2014.


Alberto Giacometti photographié (avec ses oeuvres) par Gordon Parks

"Mariage"

Trois de mes poèmes sont parus dans le dernier numéro (le 59) du poézine Traction-Brabant, toujours aussi imperturbablement foutraque, qui vient d'être envoyé à ses fidèles abonnés. Voici l'un d'eux.



mariage

je fais alliance pour vivre avec toi        
parce qu’un corps tout seul c’est trop froid
(c’est ton corps que je choisis
et c’est mon corps que tu choisis
nous nous réchaufferons)       
parce que des yeux sans yeux
en face d’eux c’est trop vide
(nous nous regarderons)
parce qu’une langue muette c’est trop bête
parce qu’il faut être deux pour parler
(nous nous raconterons)
je fais alliance pour vivre avec toi parce que tu es libre et moi aussi


Constantin Brancusi, Le baiser