Tal Nitzan, "Deux fois le même nuage"


Tal Nitzan est une poète israélienne. C’est aussi une enfant inquiète, une mère contradictoire, un voyageur qui ne sait pas quelle langue parler, un être nourri du chagrin que donnent les pays tourmentés. Yvon Le Men en parle très bien dans la préface du recueil Deux fois le même nuage.

Un extrait du poème « Dans quel pays » :



Je suis assise au coin d’une piscine, plongeant un pied dans l’eau profonde. Quelqu'un me pousse. Peut-être qu’il ne l’aurait pas fait s’il avait su que je ne sais pas nager, me dis-je en coulant. Je m’enfonce jusqu’à ce que mes orteils touchent le fond et alors je rejaillis. Je sors la tête de l’eau et je sais que maintenant je devrais crier « Au secours » avant de couler à nouveau, mais j’ai oublié dans quel pays je me trouve et dans quelle langue je suis supposée crier.

Tal Nitzan, Deux fois le même nuage, Al Manar, 2016


© Sally Mann, Faces


Prix de la revue Nunc 2017 pour "Regarder vivre"


Moi qui avais dit un jour, sur ce même blog, que je n’étais pas une fan des prix, voilà que je me trouve toute surprise et surtout extrêmement contente d’en recevoir un — mon premier ! C’est la revue Nunc qui me le décerne. Je remercie vivement tous les membres du jury.



Le Prix de la Revue NUNC 2017 a été décerné samedi 10 juin,

dans la catégorie "poésie française", à Murièle Camac

pour son recueil : Regarder vivre (N&B) 2016

et, dans la catégorie "poésie étrangère", à Ryôichi Wago 

pour son recueil Jets de poèmes dans le vif de Fukushima

traduit du japonais par Corinne Atlan (Po&Psy).

Les lauréats recevront leur prix le 20 juillet, lors du Festival de la revue NUNC "Présences à Frontenay" (Jura).



Honoré Daumier, Remise de prix


"L’herbe jaunit..."


Une autre sélection de mes poèmes a été publiée tout récemment dans la revue Place de la Sorbonne, n° 7 (mai 2017). Ces poèmes ont depuis été repris dans mon recueil Regarder vivre aux éditions N&B (c’est qu’il se passe beaucoup de temps entre le moment où la revue accepte des poèmes et le moment où ils sont publiés !)
Mais dans Place de la Sorbonne, les textes sont accompagnés d’une étude remarquable  de Laurent Fourcaut, le rédacteur en chef (p. 120-121). Ça change tout.




L’herbe jaunit entre les rails rouillés
mais la lumière d’automne donne
à toute cette fatigue de périphérie
des airs de vieilles dorures aristocratiques
entre les rails il y a presque de la place
pour un morceau de prairie de l’Ouest
une idée de grands espaces
on y croiserait presque un cheval

l’eau du canal reste plombée
intouchée par le soleil
comme une vie tracée sans surprise     
c’est une eau sans méandres
et d’où aucun poisson ne s’envole

mais entre deux canaux de rouille
il y a quand même un peu de place
pour que l’herbe attrape
la lumière d’automne
et ses visions inattendues
l’or la beauté la liberté


© William Eggleston