"Ce qu’elle a à dire"


La revue Europe me fait l’honneur de publier une suite de poèmes dans son numéro 1057 (celui de mai 2017, avec — double honneur ! – Pierre Bergougnioux en couverture). En voici le début – la suite à lire dans la revue…

Ce qu’elle a à dire


Vas-y, parle.


– La roche que l’eau n’a pas creusée
tient concrètes les années


C’est une fille de la campagne.


*

Dis ce que tu as à dire.


– Entre le lavoir de Villiers et la voie de chemin de fer
dans la haie du champ à Miteau
c’est là qu’on trouve les plus beaux lilas
au printemps


Une fille gentille, un peu simple.


*

Qu’est-ce que tu racontes ?


– Une fenêtre peut contenir une montagne
mon corps peut enjamber une fenêtre


Une fille sans ambition aucune.


 
Photo Joseph Koudelka


A la veille d'une élection présidentielle


Il y a des moments où la poésie paraît un peu hors sujet. Où on se dit que là, tout de suite, ce n’est pas de poésie qu’on a envie de parler.

Par exemple, moi, en ce moment, j’ai plutôt envie de dire que Marine Le Pen et ses sbires représentent tout ce que j’exècre, la lâcheté, la mauvaise foi, la médiocrité méchante, l’ignorance contente de soi, un monde étroit et mesquin, petit, laid. Et dangereux.

Mais dire cela sur un blog de poésie, après tout, ça a toute sa pertinence. Parce que la poésie aussi est politique, et parce que dire non à la pensée sclérosée d’extrême droite, crispée sur ses slogans, c’est dire oui à son contraire : par exemple, à la poésie.


© Anselm Kiefer, Fleur de sang (livre de plomb)