La nature, la forêt, ses herbes et ses flaques d’eau, ses silences et ses
échos, vus comme une énigme à élucider, comme un cosmos à résoudre (le Cosmos de Witold Gombrowicz inspire ce
livre). Il suffit de changer la perspective, par exemple de se faire araignée
pendue au bout d’un fil, pour que tout se déplie, se déploie différemment. Le
regard est une drôle de mécanique avec laquelle Suzanne Doppelt s’amuse. Des
images passent, « un endroit où l’esprit le plus logique est susceptible
de faillir », « un film ou un rêve que l’on fait à moitié
éveillé ». Ce sont des solutions d’optique alternatives.
le liseron s’enroule à droite et quand il fait chaud le trèfle remue à vue
d’œil, rien ne bouge autant qu’un végétal sinon un animal, le scarabée chemine
et l’escargot alterne des phases de voyage et d’immobilité car chacun en se
mouvant marque un temps d’arrêt à un moment ou un autre, quant à l’homme qui
marche et qui cherche, il s’arrête à peu près quand il veut. Pour continuer ou
revenir sur ses pas, s’écarter, zizgaguer, changer de cap, dans ce théâtre de
verdure c’est un automate fouineur dont le trajet capricieux et macabre refait
le monde, des distances étonnantes, des
virages affolants et des flèches souvent, pour lui indiquer le bon sens,
fabrique un mélange de traits, une belle arborescence qui prend forme suivant
le lieu et l’heure. Midi celle sans ombre, le trafic y est réduit et le chemin lui-même
devient méditatif, un long poste d’observation, ou la nuit et comment la
réalité surgit d’une promenade maniaque mais retombe chaque fois dans le chaos
pour ce piéton infatigable
Suzanne Doppelt, Amusements de mécanique, P.O.L, 2014
© Carol Panaro Smith & James Hajicek |