Un poème de Marie Etienne (recueil Dormans)


L’une des séquences du recueil Dormans de Marie Etienne s’appelle « Frontières », et les frontières sont en effet le lieu privilégié d’où la poète écrit : frontières entre rêve et veille ou entre mort et vie, mais aussi entre homme et femme, entre orient et occident, entre compassion et cruauté, entre prose et vers…

A la fin du recueil, parlant de ses textes, elle pointe la « nécessité de la clarté dans l’incompréhension » et « le langage, l’écriture, comme une lampe à huile que l’on promènerait sur les parois originelles » – image magnifique. (Il y a donc quand même autre chose que le seul « choix du noir » !). Comment ne pas avoir envie de s’engouffrer avec elle à la découverte de ces parois oubliées qui nous attendent quelque part ?



Elle a les mains le long des cuisses, ses petits pieds
empaquetés dans des chaussettes.
A croire qu’elle est déjà partie.
Les morts ont ce qu’il faut, une maison et parfois
deux, des chaussettes pour leurs pieds.

Merci merci besoin de rien, indifférents même à
l’enfant qu’ils adoraient.
Le public est sceptique.
– Elle m’adorait, criè-je.
Et sur le ton de la conversation :
– N’insistons pas je m’en retourne.

Je m’interroge encore sur sa disparition.
D’un certain point de vue, elle n’est pas morte,
puisqu’elle me rend visite, avec ou sans ma sœur
Iris, toutes deux ni vivantes ni mortes, simplement
écartées de la vie, non débusquables.

Marie Etienne, Dormans, Flammarion, 2006


© Cindy Sherman

4 commentaires:

  1. Réponses
    1. Oui !
      Et merci pour votre passage - je viens de découvrir votre blog en cliquant sur vos initiales - très bon blog, je le rajoute à ma liste ! - et en plus je viens de lire votre Polder !! Félicitations, je le trouve très réussi, il m'a beaucoup plu... (Contente de pouvoir vous le dire !)

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    2. Merci. Je crée le lien itou.

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    3. Très énigmatique pour moi ce texte.
      La mince frontière entre les vivants et les morts, le lieu où la mort n'a pas prise, le souvenir de ceux qui vous ont aimés, c'est à dire de ceux qui vous aiment...
      Frappant , ces mini conversations sans lien apparent!

      Marie-Brigitte Ruel

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