Une certitude que j’ai,
ayant lu le recueil Poèmes premiers
de Dorothée Volut, c’est que cette femme sait écrire. C’est-à-dire que quand on
lit ses poèmes, il arrive souvent que quelque chose se passe : des visions
surgissent, des sensations nous reviennent, un souffle de vent affleure, du
sens pointe quelque part. Bref, une certitude que j’ai, c’est que ce n’est pas
du n’importe quoi. (Même Rimbaud se sentait obligé de le préciser :
« Ça ne veut pas rien dire »).
Il y a quelques poèmes,
surtout dans la première moitié du recueil, qui sont pourtant difficiles,
obscurs, sans cohérence décelable. Je ne les comprends pas. (Comprendre au sens que cela peut avoir
en poésie : non pas décoder, mais plutôt embrasser. Je n’embrasse rien. Je
n’ai pas de relation avec le texte. On ne se touche pas. Amour impossible.) D’autres poèmes, vers la
fin du recueil notamment, semblent aspirer au contraire à la simplicité, à la
lisibilité.
Dans son ensemble, la démarche de
Dorothée Volut relève incontestablement d’une vraie exigence
poétique ; on sent chez elle une forme d’intégrité. Pour moi, cette
démarche trouve toute sa puissance dans les poèmes du milieu du livre, sorte de
climax énigmatique. On s’y sent « reliés » confusément – au
vent, à la voix, au passé : « Ecris,
pour ne pas transformer le monde en traces, / mais en feux reliés ».
On trouvera dans l’Anthologie
de Poezibao (ici) sans doute le plus
beau poème du recueil. Pour ma part, et pour ne pas faire doublon, j’en recopie un autre ci-dessous. Mais le mieux, c'est de le lire dans le beau petit livre des Editions Eric Pesty, avec leur deuxième et troisième de couverture rouge vif comme des dessous d'escarpins Louboutin... (moins cher que des Louboutin toutefois).
20
La nuit relâche
sans moi que j’intervienne
ça devient du silence
qui cherche à dire ce qu’il
transporte
la géométrie des cigales
et du souffleur de
feuille
un poids
ajusté
à une situation –
et si l’on s’intallait en
cercle
autour de la fontaine ?
Tu dis j’ai des choses à faire
puis tu t’assieds à la
terrasse
dans le mouvement de tes
jambes,
une usure comestible.
Dorothée Volut, Poèmes premiers, Eric Pesty Editeur, 2018
© Kiki Smith |
comprendre c'est embrasser, j'aime bien ça.
RépondreSupprimerEt la poésie c'est de l'amour !
SupprimerDes fois c'est beau sans compréhension. Ca m'a fait le coup avec "les Instants" de Jacqueline Risset.
RépondreSupprimerDisons qu'il y a plusieurs formes de compréhension. Et c'est troublant de le comprendre.
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