Vide-poche : Stéphane Bouquet sur Sappho


"Sappho : elle incarne un meilleur début symbolique pour la poésie que, disons, Homère ou Hésiode […]. Ce n’est pas une question de talent, bien sûr, mais de posture, de situation dans le monde : Sappho vient de franchir les peupliers et leur brusquerie de cigales, elle s’est simplement assise sur l’herbe tiède, près d’une rivière, à l’ombre d’un platane, les pieds dans l’eau, à l’heure de midi stationnaire, elle assiste à l’apparition toujours renouvelée de la beauté, elle tremble, rougit, transpire, sa bouche s’assèche, etc., elle chante. Par exemple, il y a le fragment 74 :

…chevrier… désir… sueur…
rose…
… je dis…
 

Je sais qu’elle n’avait rien prévu de cet effet et que ces vers étaient des constructions raffinées, avec un emmêlement précis de longues et de brèves, des instruments de séduction élaborée qui devaient lui rapporter plus facilement des nuits d’amour ou un salaire en drachme. Mais cette Sappho-là, la nôtre, la seule que nous connaissions, a écrit ce poème parfait : elle a nommé des choses, au fond presque les seules qui existent selon moi, et elle a dit qu’elles les avait nommées. […]"

Stéphane Bouquet, Un Peuple, Champ Vallon, 2007


Fresque de Pompéi

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