"Sappho : elle
incarne un meilleur début symbolique pour la poésie que, disons, Homère ou
Hésiode […]. Ce n’est pas une question de talent, bien sûr, mais de posture, de
situation dans le monde : Sappho vient de franchir les peupliers et leur
brusquerie de cigales, elle s’est simplement assise sur l’herbe tiède, près d’une
rivière, à l’ombre d’un platane, les pieds dans l’eau, à l’heure de midi
stationnaire, elle assiste à l’apparition toujours renouvelée de la beauté, elle
tremble, rougit, transpire, sa bouche s’assèche, etc., elle chante. Par exemple,
il y a le fragment 74 :
…chevrier… désir… sueur…
rose…
… je dis…
rose…
… je dis…
Je sais qu’elle n’avait rien prévu de cet effet et que ces vers étaient des constructions raffinées, avec un emmêlement précis de longues et de brèves, des instruments de séduction élaborée qui devaient lui rapporter plus facilement des nuits d’amour ou un salaire en drachme. Mais cette Sappho-là, la nôtre, la seule que nous connaissions, a écrit ce poème parfait : elle a nommé des choses, au fond presque les seules qui existent selon moi, et elle a dit qu’elles les avait nommées. […]"
Stéphane Bouquet, Un Peuple, Champ
Vallon, 2007
Fresque de Pompéi |
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