Sophie Martin, le recueil "Classés sans suite"

Sophie Martin s’appelle Sophie Martin : le nom de madame Tout-Le-Monde. Pierre Tisserant, lui, a un nom de tisserand : un nom louche d’artisan, d’artiste du tissu, d’ouvrier du texte. Comme par hasard, il bosse dans le livre. Un homme « de papier », quoi.

Est-ce une très bonne idée que madame Tout-Le-Monde tombe amoureuse de monsieur Textuel ? Bien sûr que non. C’est donc ce qui arrive. Car l’amour, ce n’est pas rationnel, ça ne se commande pas.

Sophie Martin n’aurait pas dû tomber amoureuse de Pierre Tisserant, Sophie Martin n’aurait pas dû écrire en vers mais en prose, pas dû faire de la poésie mais un roman.

Pour notre bonheur, elle a fait tout ce qu’elle n’aurait pas dû faire. On rigole, on se régale. On s’émeut, on s’amuse. On lit.

 

 

 

A présent nous étions dehors
Les pieds au bord de l’ombre courte de l’immeuble
Nous nous habituions à la clarté
Il remarqua : Ah vous fumez
— Parfois
Le laconisme est un des agréments du tabac
— Parce qu’on ne dirait pas
À vous voir
Qu’est-ce qu’on dirait à me voir
Voilà ce qu’il serait intéressant d’apprendre, pensais-je
Voilà ce sur quoi, chacun, nous avons peu de renseignements

Au fait notre affaire de vouvoiement, charmante, est bien ridicule
Et vice-versa
Nous nous sommes engagés ainsi et nous n’avons rien fait pour en sortir
Nous n’avons su échanger ni numéro de téléphone ni mail
Héloïse Pillayre, une amie, me disait Cette histoire
Dont tu fais un poème — Une sorte, à peine
— Tu ferais mieux d’écrire une comédie
Tu l’appellerais 
Les deux empotés

 

Sophie Martin, Classés sans suite, Flammarion, 2020

 

William Eggleston, "Paris"


4 commentaires:

  1. ça donne envie (comme souvent tes chroniques)
    de la légèreté
    de l'amour
    de la poésie
    what else ?

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    1. What else, indeed ?
      Non franchement c'est super ce petit bouquin !

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  2. Quel drôle de poème! Tout à fait singulier et si touchant, comme vous l'introduisez, l'air de pas y toucher. On y sent le jeu de la séduction qui ne dit pas son nom et ne veut surtout pas en sortir. N'en déplaise à Eva Illouz, la fin de l'amour n'est pas encore là. M.B. Ruel

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    1. En tout cas, ce n'est pas encore la fin des poèmes d'amour !

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