J’ai découvert il y a peu
(grâce à Patrice Maltaverne, son premier éditeur) le travail de Thibault Marthouret – et, par la
même occasion, les belles éditions bordelaises Abordo.
C’est une écriture à la
fois accessible et déconcertante. Une écriture au ras des détails triviaux du quotidien et
en même temps reculée, distancée, perchée loin dans des considérations exprès
absconses, comme le soulignent les titres de partie du recueil Qu’en moi Tokyo s’anonyme (un exemple :
« J’ajuste le diamètre de l’horizon à la circonférence de
l’obscurité »). Le mélange de ces perceptions a priori incompatibles engendre un univers singulier, familier mais trouble, où les choses – les mots – ne semblent pas vraiment à leur
place. Un univers dans lequel on est souvent surprise de croire reconnaître ce
qu’on n’avait pas remarqué…
Vous n’avez pas bien
compris ? Oui, il arrive qu’on n’ait pas bien compris. Il arrive que les
personnages d’un poème « donnent leur langue au chat », et nous
aussi. Ça fait un drôle d’effet.
/libera me
L'océan et le ciel ont
dévoré la falaise,
noyé la ligne d’horizon,
la nuit en punition les a dissous et
se rétracte déjà quand un
ange passe, pique, nous frôle.
Une aile nous effleure le
mention et l’oreille.
Tu allumes une cigarette,
la fumée désamorce l’assaut,
l’ange vole jusqu’à
l’armoire normande, se pose,
s’assoit, jambes
pendantes. Dans les enceintes grises,
Fauré déchaîne son
requiem. Si tu n’as rien à dire,
je te prie d’essayer
quand même, on verra bien
où ça nous mène, mais
l’ange se met à trompeter,
à compter ses plumes à
vois haute et soulever
sa tunique. Que penses-tu
des murs ?
On pourrait les tapisser,
les couvrir de tableaux,
de tentures,
d’attrape-rêves, d’ailes clouées ?
Livide comme le petit
jour, l’ange se fait discret.
[…]
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