Dans l’élan du récent Marché de la poésie, qui rendait
hommage à la poésie irlandaise, un poème d’Eavan Bolan que j’ai découverte à
cette occasion. Elle est née en 1944 et s’est attachée dans ses textes « à
déconstruire l’image féminine traditionnelle dans le contexte irlandais »
(présentation par Jacques Darras dans l’édition du Castor Astral).
Called
I went to
find the grave of my grandmother
who died
before my time. And hers.
I searched
among marsh grass and granite
and single
headstones
and smashed
lettering
and
archangel wings and found none;
For once, I
said,
I will face
this landscape
and look at
it as she was looked upon:
Unloved
because unknown.
Unknown
because unnamed.
Glass
Pistol Castle disappeared,
Baltray and
then Clogher Head.
To the west
the estuary of the Boyne –
stripped of
its battles and history –
became only
willow-trees and distances.
I drove
back in the half-light
of late
summer on
anonymous
roads on my journey home
as the
constellations rose overhead,
some of
them twisted into women:
pinioned
and winged
and
single-handedly holding high the dome
and curve
and horizons of today and tomorrow.
All the
ships looking up to them.
All the
compasses made true by them.
All the night
skies named for their sorrow.
Appel
Je suis allée à la
recherche de la tombe de ma grand-mère,
morte avant mon heure.
Avant la sienne.
J’ai fouillé parmi le
granit et la spartine
les pierres tombales
esseulées,
les inscriptions
abîmées,
les ailes d’archange,
sans rien trouver.
Pour une fois, me
dis-je,
je vais faire face à ce
paysage
et le regarder comme on
la regardait, elle :
Mal-aimée parce
qu’inconnue.
Inconnue parce que sans
nom :
Disparu le château de
Glass Pistol
Baltray puis Clogher
Head.
A l’ouest, l’estuaire
de la Boyne,
dépouillé de ses
batailles et de son histoire,
n’était plus que saules
dans le lointain.
J’ai roulé sur le
chemin du retour
dans la lumière du soir
de la fin de l’été
sur des routes anonymes
cependant que les
constellations montaient dans le ciel,
certaines tordues en
forme de femmes :
ailes et rémiges
déployées
tenant d’une main le
dôme
la courbe et l’horizon
de ce jour et du lendemain.
Tous les bateaux
regardant dans leur direction.
Toutes les boussoles
ayant confiance en elles.
Tous les ciels
nocturnes portant le nom de leur douleur.
Traduit par Martine
Chardoux, in Poésie irlandaise contemporaine,
édition bilingue, Le
Castor Astral, 2013.
(J’ai modifié –
amélioré, j’espère – un vers de la traduction).
© Kiki Smith, Girl with stars
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