Vide-poche : Georges Didi-Huberman


Dans Invention de l'hystérie, Georges Didi-Huberman aborde l’image comme un symptôme. Il ne veut interpréter l’image ni dans le sens du beau, ni dans le sens du vrai, mais dans le sens de sa matérialité, de sa présence physique, et de quoi celle-ci est le symptôme.
Là où il y a image, il y aurait donc maladie.
Corps, conscience, projection, maladie, vie, mort : 
image.


Le Caravage : David avec la tête de Goliath

Un poème de Jean-Claude Pirotte


Je saisis l’occasion du Prix Goncourt de la poésie attribué récemment à l’un de mes poètes préférés, Jean-Claude Pirotte, pour glisser ici un poème de lui.
On est loin de la poésie expérimentale, chez Pirotte on trouvera « Verlaine plutôt que Rimbaud » – on trouvera Pirotte, surtout, de la mélancolie, de la fantaisie, de la Belgique, de la musique.



la poésie je sais bien
fichtre que c'est autre chose
mais ce soir ne suis enclin
qu'à l'élégie grise et rose

rythme impair et pauvre rime
de-ci de-là moins que rien
sous les mots et pour la frime
la fleur bleue le joli brin

l'heure est grave et je dépose
néanmoins mes légers riens
céans (mignonne, la rose...)
est-ce mal ou est ce bien?

à toi seule écrire j'ose
où es-tu ? reviens reviens
ma soif ma joie mon armoise
ma vigne ma faim mon vin

cette chanson plus morose
qu’il y paraît je la tiens
de la nuit qui dit les choses
aux pitoyables vieux chiens

Jean-Claude Pirotte, Le promenoir magique, La Table Ronde, 2009


© Thierry Diers

"Paul de Tarse"


Deux poèmes de mon recueil Vitres ouvertes étaient déjà parus en revue (en fait, dans le n° 35 de l’indispensable poézine Traction-Brabant). Voici l’un des deux. On peut lire l'autre ici


Paul de Tarse


– Ulysse Ulysse y en a que pour Ulysse
et Paul alors Paul de Tarse
le saint, le Saül, le secoué du chemin de Damas
lui aussi Paul il a parcouru toute
la Méditerranée d’île en île de port en port
de prison en prison d’église en église
c’est un sacré voyageur quand même

– ah ouiche mais Paul c’est pas pareil
nulle Pénélope ne l’attendait son histoire
manque de femmes et de sexe son histoire
manque de quête de questions – il n’avait
que des réponses grave erreur car pour
tout dire ses réponses on s’en lasse
quel intérêt un héros qui ne cherche rien
et n’a même pas besoin de descendre aux enfers


Saint Paul, Mosaïque de la Chapelle Palatine à Palerme

Vide-poche : Pascal Quignard


Pascal Quignard dans Les désarçonnés opère une remontée – subjective, poétique – vers les origines de l’humanité :

« L’espèce humaine est spontanément hallucinatoire (bien plus qu’auto-dissimulatrice).
Elle est inconsciente non pas en ce qu’elle refoule mais en ce qu’elle ne perçoit jamais le réel.
Les hommes ouvrent rarement les yeux sur l’anarchie terrifiante de la chronique humaine. Toute catastrophe devient sous les yeux humains, c'est-à-dire au fond de leur mémoire inévitablement linguistique, une épreuve qui a un sens. (…)
Le fait de dire est oublié derrière ce qui est dit.
Le quod de la langue est oublié au profit du quid de la pensée. »

Pour reprendre les termes de Pascal Quignard : la poésie n’empêche pas l’hallucination ni la transformation de l’anarchie en sens – autant empêcher à l’humanité d’être humaine – mais elle met en lumière l’origine « inévitablement linguistique » de l’hallucination.
Elle n’efface pas « ce qui est dit », mais elle se souvient de l’importance du « fait de dire ».


© Jonathan Shimony


Deux poèmes d'Emmanuel Merle (Ici en exil)


Deux poèmes, dont le premier, du très beau Ici en exil d’Emmanuel Merle, paru récemment.
Voir aussi ma note de lecture sur ce recueil, publiée sur le site Poezibao.



Nous étions trois dans cette pente
le châtaignier mon père et moi
deux autour du feu le troisième
penché sur la voie ferrée

Il faudra l'abattre me dit-il
il a la maladie
Brume et fumée se mêlaient
ça ressemblait à l'origine

Se pouvait-il qu'un arbre meure
Il était tôt le bois chuintait
je regardai mon père et puis
le châtaignier

Je pris un caillou tiède
le lançai sur la voie ferrée
comme on fait un geste d'exil
pour que ce ne soit pas le dit
d'être soi-même exilé


***


La pierre a cette densité
d’un ciel d’orage tout entier
ramassé dans ma main

cette possibilité de cataclysme
comme une froide aspiration
de l’air qu’il me reste
à respirer

A l’homme qui saisit une pierre
le monde rappelle la vie
radicale et muette
de ce qui est

Emmanuel Merle, Ici en exil, L’escampette Editions, 2012



Kiki Smith, Nest and Trees



Parution du recueil "Vitres ouvertes"


Polder est une petite collection dirigée par l’infatigable Claude Vercey et publiée conjointement par la revue Décharge et les éditions Gros Textes d'Yves Artufel. Elle est principalement destinée à mettre le pied à l’étrier à des auteurs ayant encore peu ou pas publié de recueil : par exemple, moi.

Vient donc de paraître le Polder 155 (un grand merci à l’équipe de Décharge et de Gros Textes !), Vitres ouvertes, que je signe et que préface le non moins infatigable Patrice Maltaverne du poézine Traction-Brabant.

Voici un extrait de sa préface :

« Dans un gouvernement utopique de la poésie, dont je voudrais qu’il soit plus rigolo que les autres, Murièle Camac pourrait devenir déléguée à l’ouverture d’esprit ou, si vous trouvez cela d’emblée trop flatteur, experte en sociologie lucide ou en tourisme éclairé.
/…/
Après avoir parcouru cette galerie de portraits, l’idée m’effleure que les textes de Murièle Camac contribuent à un renouveau en douceur de la poésie engagée, qui reste un gros mot pour certains. Mais ne soyons pas indisposés. Aucune adhésion de type syndical n’est demandée ici. Nous sommes juste invités à reprendre conscience de l’extrême diversité des formes de vie, qui dépasse les clivages pouvant exister entre richesse et pauvreté. Se devine là l’envie d’apprivoiser toutes les ambiances, ce qui ajoute aux bienfaits du langage poétique, même si ‘je préfère, je crois, que Palerme se dépose / sur mon pare-brise plutôt que sur ma vie’. »


— Lire d'autres réactions à Vitres ouvertes :
- Claude Vercey sur son blog Itinéraires de délestage
- Jean-Marc Proust, sur le blog de Claude Vercey
- Alain Boudet dans Le promenoir (d'abord paru sur La toile de l'un)
- Georges Cathalo dans la revue Texture
- Murièle Modély sur son blog L'oeil bande
- Cécile Guivarch sur le site Terre à ciel
- Guy Chaty dans la revue Poésie Première
- Teklal Neguib dans la revue en ligne L.ART en Loire (n° 8)

Merci beaucoup, beaucoup à eux !


Et je signale que Simon Alloneau publie conjointement un très bon recueil, Un jour on a jamais rien vu, Polder 156 (car les Polder vont toujours par deux, comme les bonheurs !)


  
Commandes à :
Fontfourane
05380 Châteauroux-les-Alpes
(Chèques à l’ordre de Gros Textes)

50 pages au format 10 x 15, couverture : Michael McCarthy, 6 € (+ 1 € de port – port compris à partir de l’achat de 2 exemplaires)

Deux poèmes de Reiner Kunze (traduction de Mireille Gansel et texte allemand)


Reiner Kunze est un poète allemand de l’ex-RDA, passé en RFA avant la chute du mur pour cause de persécution politique. Je l’ai d’abord découvert grâce à l’émission de France Culture Ça rime à quoi – rappelons l’existence de celle-ci, car les émissions consacrées uniquement à la poésie ne courent pas les rues ! Son recueil paru récemment chez Cheyne, Un Jour sur cette terre, est magnifique.

D’une manière générale, je connais très mal la poésie allemande, pour la raison que je ne lis pas du tout l’allemand. Et que je trouve souvent frustrant de ne pouvoir lire un poème qu’en traduction, sans être capable de me référer ne serait-ce que partiellement à la langue originale.
— Se pose toujours la vieille question de la possibilité de traduire des poèmes : dans quelle mesure une telle entreprise est-elle réalisable ? Je reconnais que ma position est très ambivalente sur le sujet : en tant que productrice de textes, l’exercice de la traduction me passionne et me stimule énormément ; en tant que lectrice, je suis souvent obligée de m’avouer déçue par les textes traduits, quelle que soit la qualité du ou de la traductrice !

Mais en lisant Un Jour sur cette terre, justement, je n’ai pas du tout ressenti de déception. Je salue donc ici tout particulièrement la traductrice, Mireille Gansel : bravo ! Transmission poétique réussie !

Reiner Kunze pratique la densité, la brièveté, l’intensité ; la sagesse, la compassion, la contemplation. Voici deux de ses textes, avec en regard – tout de même – l’original en allemand.




Réponse

Mon père, dites-vous,
mon père au fond de la mine
a des entailles dans le dos,
cicatrices,
traces croûteuses des pierres éboulées,
mais moi, je
chanterais l’amour

Je dis :
justement, pour cela même
Antwort

Mein vater, sagt ihr,
mein vater im schacht
habe risse im rücken,
narben,
grindige spuren niedergegangenen gesteins,
ich aber, ich
sänge die liebe

Ich sage:
eben, deshalb

1956


Chardon argenté

S’en tenir
à la terre

Ne pas jeter d’ombre
sur d’autres

Être dans l’ombre des autres
une clarté
Silberdistel

Sich zurückhalten
an der erde

Keinen schatten werfen
auf andere

Im schatten
der anderen
leuchten

1978

Un Jour sur cette terre
, traduction Mireille Gansel, Cheyne, 2007




Un film : César doit mourir, des frères Taviani

Leur monde, c’est un mélange de brutalité et d’honneur. Leurs dialectes rugueux sentent le peuple et les ancêtres. C’est une langue de vaincus et de violence mais une langue de vie, c’est de l’énergie brute qui circule dans les mots. Leur espace est mutilé par les murs et les grilles. Leur temps aussi. Un temps de murs et de grilles et de clés qui tournent bruyamment dans les portes blindées : dix, quinze, vingt ans de prison, toute une vie peut-être. Leur plus grand désir, c’est la liberté.

Alors quand ils jouent Jules César dans leur prison, ils comprennent tout naturellement de quoi ça parle : le meurtre, la violence, les réticences et les remords, le désir impérieux de liberté et l’idée de l’honneur – et la défaite à l’horizon, toujours. Alors le texte de Shakespeare semble avoir été écrit en sicilien ou en napolitain. Alors les lieux de pouvoir et de grandeur, les palais, le Sénat romain, deviennent une prison d’où l’on ne peut jamais s’échapper. Les mafieux minables trouvent en eux-mêmes une noblesse insoupçonnée. Et les grands de ce monde se révèlent aussi misérables que les petits truands sans avenir qu’ils sont aussi.


César doit mourir, des frères Taviani

Catastrophe (ou de l'art académique)

Pour planter le clou du post précédent, ce petit commentaire :

« C’est désormais l’œuvre qui définit le média utilisé et non l’inverse », décrète superbement l’une des porte-parole de l’art contemporain académique, Caroline Bourgeois de la François Pinault Foundation (citée par Télérama n° 3274, 10/10/12).
Or c’est bien là tout le problème. C’est bien là le contresens artistique – doublé d’un affront politique.

Contresens artistique : éliminer le terme de « matière » pour parler de « média » : on est vraiment dans la pure com’. Et on n’en est pas mécontent. Enfin extirpé, l’art, ce subversif !

Affront politique : vouloir que « l’œuvre » vienne en premier : on est dans le concept le plus creux, dans la plus pure langue de bois.
Quelle arrogance de prétendre que « l’œuvre » est là a priori, avant tout travail, avant toute confrontation au réel ! Que l’œuvre existe avant même d’avoir les moyens d’exister ! Il est symptomatique de trouver ce genre de déclaration dans la bouche d’une employée de François Pinault. N’est-ce pas là en effet, dans toute sa suffisance, un raisonnement de financier – un raisonnement de dominant déterminé à plier le monde à ses dollars virtuels ainsi qu’à son mépris ?

Aucune œuvre n’existe a prioria priori n’existe que la matière. Quelle que soit celle-ci (métal, bois, son, couleur, forme, mot, lumière).
En la travaillant, en la comprenant – et surtout en l’aimant – on réussit parfois à la transformer en « œuvre ».

Klara Kristalova, "Catastrophe"

Un spectacle de danse (Faces de Maguy Marin) et une expo (Bertrand Lavier)


Ces temps-ci, à Paris, Maguy Marin présente des spectacles au Théâtre de la Ville (temple de la danse contemporaine) et Bertrand Lavier a l’honneur d’une rétrospective au centre Pompidou (temple de l’art contemporain). Les deux temples étant géographiquement voisins, on peut donc enchaîner  l’un sur l’autre, ce que j’ai fait le week-end dernier (un vrai week-end de prof de lettres – passons). C’était en ce qui me concernait un premier contact avec deux artistes français que je ne connaissais pas. Le dirai-je d’emblée, je ne suis pas sûre de souhaiter un deuxième contact.


Dans les deux cas, mon impression a été d’assister à une expérience artistique non pas mauvaise, mais plutôt ratée – ratée par excès de prétention, de creux, de concept.

L’expo Bertrand Lavier par exemple : on entre dans une salle. On voit des objets exposés. Objets pas beaux (évidemment), pas émouvants (on s’en serait doutée), pas même surprenants non plus (les ready-made, on connaît déjà). Mais ce n’est pas grave, on est bien disposée, on ne veut pas renoncer tout de suite comme la première réac venue, on veut croire qu’il y a là quelque chose d’intéressant.
Et de fait ces objets ont un côté intriguant, énigmatique. On ne les comprend pas. On se doute qu’il y a quelque chose à comprendre qui nous échappe – c’est intéressant, ça. On imagine qu’il doit y avoir un « message » à trouver.
On ne passe pas trop de temps à chercher ce fameux message : puisqu’il y a une explication au mur, on va plutôt lire ça. On lit donc. Effectivement, il y a bien un « message » dans ces objets. Le texte au mur nous dit lequel. Le texte explicatif explique, assez brillamment d’ailleurs, et on comprend tout. Le texte fait dix ou quinze lignes. Une fois lues ces dix ou quinze lignes, il n’y a plus rien à lire, plus rien à regarder surtout. Puisqu’on a tout compris et qu’à part se faire comprendre, ces objets ne proposent rien. On passe à la salle suivante. Un nouveau texte nous explique brillamment le nouveau message derrière les nouveaux objets exposés. Objets pas beaux, pas émouvants, pas même surprenants. Objets, une fois compris leur « message », une fois gratté leur mince vernis d’énigme, d’un ennui total.
On sort de l’expo en ayant déjà tout oublié – si ce n’est, peut-être, le rouge vif de l’Alfa Roméo accidentée trônant dans une salle, dont le message est… quel est le message, déjà, pourtant dans le petit texte ça avait l’air intelligent, tant pis, tout oublié à part le rouge vif.

Le spectacle de danse de Maguy Marin, c’était exactement la même chose, transposée sur scène. Pas de danse (ça risquerait d’être beau, émouvant, surprenant), mais des messages, des idées (éculées, faut-il le préciser). Quelques rares minutes où l’attention est soudain éveillée, où le plaisir surgit soudain, parce que sur scène, soudain, il y a de la danse – de l’émotion visuelle. Le reste du temps, un ennui total. Et un gros sentiment de talents gâchés (pour les artistes) et de temps perdu, sans parler de l’argent (pour la spectatrice).

Un artiste visuel travaille la matière et les couleurs, une chorégraphe travaille les corps en mouvement. Pas les idées. Pas les concepts. Pourquoi cela semble-t-il si difficile à admettre, pour l’art contemporain dominant (institutionnalisé, c'est-à-dire académique) ? En quoi est-ce si moralement ou philosophiquement inacceptable ?
Les idées, en art, naissent de la matière travaillée. Sinon, elles ne sont qu’ennui. Et rien n’y fera.


Bertrand Lavier, Giuletta


Un poème de Valérie Rouzeau (du recueil Vrouz)

Bon, je ne suis pas une obsédée des distinctions officielles, mais Valérie Rouzeau qui reçoit le prix Apollinaire (le « Goncourt de la poésie »), ça mérite quand même une petite mention et un petit hommage.
J’ai découvert cette poète d’abord grâce aux revues de poésie qui en faisaient l’éloge et donnaient à lire des extraits de son œuvre – merci à elles – et ensuite en lisant quelques-uns de ses recueils : Mange-Matin, Pas revoir, Neige rien, et tout récemment le fameux Vrouz qui lui a valu le prix. Prix mérité : son écriture est pour moi l’une des plus stimulantes et les plus roboratives de la poésie contemporaine en France. Lire Rouzeau, c’est faire mentir tous ceux qui pensent la poésie élitiste, difficile d’accès ou déconnectée des préoccupations quotidiennes : chez elle, le dialogue avec l’époque et la société se fait tout naturellement. Le travail sur le langage devient – ce qu’il devrait être – tout entier jeu (jeu sérieux bien sûr) et plaisir. Et la poésie surgit sans effort apparent : avec candeur, avec humour, avec mélancolie.

En plus, c’est une excellente traductrice : voir ici un exemple de son travail sur un poème de Sylvia Plath.

Et pour une petite note politique :
Notons que sur les vingt dernières années, seules deux femmes, avant Valérie Rouzeau, ont obtenu ce très respectable prix (et avant elles, deux autres femmes seulement depuis 1947) – il faut toujours rappeler ce genre de détail.
A mettre en rapport avec le nombre considérable de femmes qui durant les mêmes vingt dernières années ont écrit de la poésie, et de la bonne, en tout cas pas de la moins bonne que celle des hommes. — Mais le monde littéraire n’est pas du tout crispé sur ses vieux privilèges, non non, pas du tout étriqué d’esprit ! Mais le monde littéraire reste l’avant-garde éclairée de la société, sa conscience, son honneur !
(Réflexion à prolonger ici...)


Un extrait de Vrouz :

On me demande de rédiger une note de frais
Et moi je pense au fond de l’air
Je sonde ma personne facture donc
Ma crève et mon temps de parole
Tant de paroles pour une intro
Vertie comme moi il faut tenir
Vertie convertie à mourir
De trac de trouille tracasserie
A sonner mots justes et injustes
Palabres graves ou devinettes
Sornettes voire onomatopées
Le palpitant au maximum
Du nombre de ses coups minute
Boum j’ai écrit et j’ai signé ma note de frais.
 

Valérie Rouzeau, Vrouz, La Table ronde, 2012 


Installation d'Annette Messager

"départ"

Le dernier poème de la série « Paros », dont une partie a été publiée dans la revue Friches (n° 108) et une autre (voir post précédent) dans la revue Verso (n° 150).



départ



…et la mer l’ignore




demain donc je te quitte
île fermentant sous la lune 
île décantant au soleil
île aimée du vent et de la mer
belle indifférente

ma tristesse en vagues nonchalantes
vient battre contre mes pensées




une île s’éloigne
un continent se rapproche
des êtres transitent          




pourtant j’en ai déjà quitté bien des endroits
je n’ai jamais connu cette envie de rester
cette impression d’avoir le cœur trop à l’étroit
comme si désormais prenait fin la beauté


Nicolas de Stael, Bateaux

"katharizo"

Le numéro de septembre 2012 de Verso, la jolie revue lyonnaise (numéro 150 !), réunit des poèmes publiés sous le thème « faire eau » – beau titre. Parmi ceux-ci, quatre sont à moi… Ils appartiennent à la même série « Paros » que les poèmes déjà publiés dans Friches et lisibles sur ce blog.
Voici le premier des quatre.


katharizo


tous les chats sont morts
quel est le mot
qui veut dire nettoyer
et comment dit-on
eau de javel
le mot tragédie
ne sert à rien

mais catharsis oui
du quotidien
à coups de serpillière
et de pitié aussi

sur la terrasse
les taches s’acharnent
la mort ne part pas

et moi qui n’ai aucune
passion pour l’immaculé
je m’acharne aussi
j’efface autant que je peux
les traces

Photo Cartier-Bresson (Sifnos, Grèce)


Un photographe : Anders Petersen

L’exposition sur Claude Nori, actuellement à la Maison européenne de la photographie à Paris, est particulièrement intéressante – je trouve – pour la partie sur son travail d’éditeur. De nombreux photographes remarquables ont été publiés par lui dans la revue Contrejour. Parmi eux, le Suédois Anders Petersen : son travail sur les habitués d’un café miteux deHambourg, c’est à la fois une chanson populaire de l’entre-deux-guerres, une nouvelle de Bukowski, et un poème moderne pas encore écrit sur la grandeur et la misère de l’humanité.


Photo Anders Petersen (Série "Café Lehmitz")