Pascal Quignard dans Les désarçonnés opère une remontée – subjective, poétique – vers les
origines de l’humanité :
« L’espèce humaine est spontanément hallucinatoire
(bien plus qu’auto-dissimulatrice).
Elle est inconsciente non pas en ce qu’elle refoule mais en
ce qu’elle ne perçoit jamais le réel.
Les hommes ouvrent rarement les
yeux sur l’anarchie terrifiante de la chronique humaine. Toute catastrophe
devient sous les yeux humains, c'est-à-dire au fond de leur mémoire
inévitablement linguistique, une épreuve qui a un sens. (…)
Le fait de dire est oublié derrière ce qui est dit.
Le quod de la langue est oublié au profit du quid de la
pensée. »
Pour reprendre les termes de Pascal Quignard : la
poésie n’empêche pas l’hallucination ni la transformation de l’anarchie en sens
– autant empêcher à l’humanité d’être humaine – mais elle met en lumière
l’origine « inévitablement linguistique » de l’hallucination.
Elle n’efface pas « ce qui est dit », mais elle se
souvient de l’importance du « fait de dire ».