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David Bosc, Mourir et puis sauter sur son cheval


Ce titre extraordinaire est emprunté à Ossip Mandelstam, et la deuxième épigraphe du livre est tiré du Pilate de Jean Grosjean. C’est dire que David Bosc place son ouvrage sous le signe du poème beaucoup plus que du roman. Poème narratif, histoire d’une folie dérisoire et magnifique, celle de Sonia A. — comme celles, avant elle et très différentes, du Nerval d’Aurélia ou du Rimbaud d’Une Saison en enfer.
La Sonia de David Bosc a réellement existé mais elle fait aussi penser par exemple à Francesca Woodman, à Alejandra Pizarnik ou à Sylvia Plath : une très jeune femme, artiste, diariste, folle. Vie, poème et folie se mélangent. A la fin, c’est le poème qui gagne.

Extraits :

« Quand on apprend une langue étrangère et qu’on commence à la comprendre dans la rue, on s’étonne, on s’offusque de ce que les gens, ayant la maîtrise d’un si bel instrument, ne disent point des choses plus singulières. Mais dans toutes les langues, hélas, a rose is a rose is a rose.
(…)

Bulles infimes de solitude, les vagabons, les amoureux, les lecteurs, font dans la soupe collective un ferment qui nous sauve. Et si la plupart des bulles échouent à remonter à la surface, qu’importe : ça travaille, ça lève.
(…)

      Dis, c’est un miroir ou un trou de serrure ?
      Hein ?
      Dans ton bouquin, tu regardes vivre les autres ou tu ne vois partout que toi ? »

David Bosc, Mourir et puis sauter sur son cheval, Verdier, 2015


Francesca Woodman, Untitled

Alejandra Pizarnik : "Arbre de Diane" (traduit par Jacques Ancet)

Les éditions Ypsilon, dont on a toujours grand plaisir à tenir les livres dans la main et sous les yeux (et sous le nez — l’odeur des livres, l’une des meilleures qui soit), ont eu l’excellente idée de republier les recueils d’Alejandra Pizarnik. — Un seul regret : que l’édition de ce recueil ne soit pas bilingue. —
 
Arbre de Diane est, selon son traducteur Jacques Ancet, la première œuvre majeure de la poète argentine. Octavio Paz présente ainsi le texte dans sa préface : « étant donné son extraordinaire transparence, rares sont ceux qui peuvent le voir. Solitude, concentration et perfectionnement général de la sensibilité sont des conditions indispensables à sa vision. (…) l’arbre de Diane n’est pas un corps qui puisse se voir : c’est un objet (animé) qui nous permet de voir au-delà, un instrument naturel de vision ». Pas de doute, nous avons bien affaire à un poème.

La vie et l’œuvre d’Alejandra Pizarnik évoquent de façon troublante celles de Sylvia Plath : le suicide très jeune, bien sûr, la souffrance de vivre et l’ombre planante de la folie ; mais aussi l’époque — toutes deux sont nées dans les années 1930 —, le rapport problématique au corps, le thème du double. Pourtant, l’écriture de Pizarnik est en quelque sorte à l’opposé de celle de Plath : très brève, condensée à l’extrême, comme réticente à exister. Alors que les poèmes de Plath, pour être tout aussi denses et brillants, sont beaucoup plus foisonnants et déployés. Comme si Plath laissait libre cours à l'excès du langage, et Pizarnik à l'excès du silence — deux facettes d’une même expérience.



8

Mémoire illuminée, galerie où traîne l’ombre de ce que j’attends.
Ça n’est pas vrai qu’il viendra. Ça n’est pas vrai qu’il ne viendra pas.

**

15

Etrange de me déshabituer
de l’heure où je suis née.
Etrange de ne plus jouer
mon rôle de nouvelle venue.

**

25

(exposition Goya)
un trou dans la nuit
subitement envahi par un ange

**

Je chante.
Non pas invocation.
Mais des noms qui reviennent.


Alejandra Pizarnik, Arbre de Diane,
traduit par Jacques Ancet, Ypsilon éditeur, 2014



8

Memoria iluminada, galería donde vaga
la sombra de lo que espero. No es verdad
que vendrá. No es verdad que no vendrá.

**

15

Extraño desacostumbrarme
de la hora en que nací.
Extraño no ejercer más
oficio de recién llegada.

**

25
(exposición Goya)
un agujero en la noche
súbitamente invadido por un ángel

**

Yo canto.
No es invocación.
Sólo nombres que regresan.

Photo Francesca Woodman