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Vide-poche : Nathalie Quintane (2)


Et un autre petit extrait de Nathalie Quintane :

« La notoriété casse les vies et rend stupide. Les écrivains que nous aimons – Rimbaud, Kafka… – ont eu cette chance de ne pas la connaître. Il faut mourir vite, ou bien qu’on ne nous voie pas. Je ne dis pas qu’il faut être alcoolique et pauvre pour écrire – ça n’aide pas. Je ne parle pas d’un brevet ès qualité ; l’oubli ne la garantit pas plus que la notoriété. Mais qu’il faille préférer la vie de Dickinson à celle de Houellebecq : oui. »
   
Nathalie Quintane, Ultra-Proust, La Fabrique, 2018


Cette fois, je suis d’accord sans hésiter. Non que je me prenne pour Rimbaud, ni pour Kafka, ni pour Emily Dickinson. Non que je m’inquiète non plus de la menace que fait peser la notoriété dans ma vie (c’est un problème qui jusqu’ici me concerne peu).
Mais c’est juste pour dire : ça fait du bien de lire quelqu'un faire, pour une fois, l’éloge de la discrétion, et casser un peu cette passion collective contemporaine pour la publicité et l’image de soi.


Kathe Kollwitz, Selbstbildnis am Tisch

Vide-poche : Nathalie Quintane


Ce n’est pas facile de citer Nathalie Quintane : entre l’ironie, la provocation, les citations et le « dérangement » (un des termes et thèmes de son dernier livre), ses phrases glissent et n’aiment pas se faire découper en morceaux. Tant pis, je vais le faire quand même. Voici donc un petit saucissonnage d’un passage d’Ultra-Proust, qui vient de paraître aux éditions La Fabrique. D’ailleurs je ne suis pas sûre d’être vraiment d’accord avec elle, je ne suis en général plus sûre de rien quand je la lis, si ce n’est que ça m’intéresse, sa façon d’être radicale, sa dérision qui ne s’excuse de rien ; et surtout son insistance à nous mettre le nez, à nous amis de la poésie (bonsoir), dans le politique.



« Je crois que la crainte, et les précautions qu’on prend encore, quant à l’engagement en littérature et en art (réécrit « langagement » dans les années 1970), tient en partie à la peur de faire quelque chose de bête – dogmatique, caricatural, etc. –, peur doublée de celle du ridicule […]. Les Français ont cette peur viscérale de la bêtise, et particulièrement les poètes, qui ont toujours besoin d’antidotes ou de grigri pour s’en prémunir – tel incipit fameux de Paul Valéry dans Monsieur Teste : « La bêtise n’est pas mon fort ». Intelligence de Valéry, intelligence de Mallarmé, intelligence de Perse, intelligence de Bonnefoy ou de Char, etc. […] S’il y a un clivage dans le champ poétique, ce n’est plus depuis longtemps en fonction des écoles ou des manifestes, mais peut-être entre ceux qui acceptent, assument, et travaillent cette part de bêtise française logée jusque dans la langue et les autres, qui continuent à se prémunir d’elle, à essayer de lui faire barrage. »

Nathalie Quintane, Ultra-Proust. Une lecture de Proust, Baudelaire et Nerval, La Fabrique, 2018


Annette Messager, Les interdictions en 2014