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Rose Ausländer : le recueil « Pays maternel »


« Pays maternel » : le poème (et le recueil) le plus emblématique de la poésie de Rose Ausländer. Pour reprendre les termes d’Edmond Verroul (traducteur du recueil aux éditions Héros-Limite), ce texte se déploie à partir d’un « effondrement total, sans appel et sans recours » — celui causé par l’expérience du ghetto et du totalitarisme pendant la Deuxième Guerre mondiale, puis de l’exil. Une écriture maigre, ascétique, délestée de tout superflu, et par là proche de la grâce.


Immaculé

Pas la neige

D’une plus grande blancheur que
Les signes que l’ermite
Inscrit
Sur le tableau de la solitude

Parfaitement immaculé
Le temps


*

Pays maternel

Ma patrie est morte
Ils l’ont réduite
En cendre

Je vis
dans mon pays maternel
Le verbe

Rose Ausländer, Pays maternel, traduit par Edmond Verroul, Héros-Limite, 2015


Lithographie de Zoran Music, « Wir sind nicht die Letzten » (« Nous ne sommes pas les derniers »)


Rose Ausländer, Eté aveugle


Eté aveugle (Blinder Sommer) de Rose Ausländer a fait l’objet de deux traductions récentes, l’une chez Æncrages & Co, l’autre chez Héros-Limite. Des poèmes poignants, et deux beaux livres.
Æncrages & Co offre une sélection de poèmes avec leur version originale et des gravures, l’ensemble linotypé (ô cérémonie du papier dur en léger relief sous les doigts…). 
Héros-Limite offre le recueil intégral.

Un poème en deux versions (et de légères divergences de sens) :

Ombre

Mon géant noir
n’a rien à envier aux lances du soleil
Il dresse
une tente

Nous y entrons
trouvons là
cuisine fraîche

Je prépare le thé à la rose
A la cuillère je dégage
une fenêtre de lumière
à l’abri de mon géant

Rose Ausländer, Eté aveugle (Blinder Sommer), traduit de l’allemand par Dominique Venard, Æncrages & Co, 2010 ; avec des gravures de Dadao




Mon noir géant
tenant en respect les lances du soleil
dresse
une tente 

Nous y entrons
y trouvons
une fraîche cuisine  
     
Je prépare un thé à la rose
je mange à la cuiller une fenêtre
de lumière
protégée par mon géant  

Rose Ausländer, Été aveugle, traduit de l’allemand par Michel Vallois, Héros-Limite, 2015


Mein schwarzer Riese
den Sonnenlanzen gewachsen
schlägt auf
ein Zelt

Da ziehen wir ein
da haben wir eine
kühle Küche

Ich braue den Rosentee
ich löffle ein Fenster
aus dem Licht
von meinem Riesen beschützt

Rose Ausländer, "Schatten"


© Jean-Michel Fauquet