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Murièle Modély, le recueil "Radicelles"


Un poème, une photo. C’est le principe de ce livre.
Les poèmes sont de Murièle Modély et semblent constituer comme une reprise et un prolongement, après quelques années, de son premier recueil remarquable Penser maillé. Corps, matière, enfance, île, langue, une violence sourde. Le recours au créole dans certains textes donne à ceux-ci une profondeur poignante.
Les photographies sont de Vincent Motard-Avargues et proposent, comme en écho visuel, une auscultation minutieuse de la matière, entre inquiétude et fascination.
A signaler aussi la très belle préface de Dominique Boudou.



ton poème est une tignasse crépue qui t’embrouille la tête
comment dire koman kozé
out poèm i galop i galop com in bébéte sovage
out lang
la leur
t’entraînent au fond de l’eau
dans un écheveau d’algues
out sévé sec maillé tu te demandes
où trouver tes coraux naufragés
les mots, ces gros galets,
sous les vieux bouts d’épave

Murièle Modély, Radicelles, éditions Tarmac, 2019


Photographie de Vincent Motard-Avargues

L'anthologie "Duos" de Lydia Padellec


Spécial auto-promotion / copinage / remerciements à la coordinatrice pour tout son travail.
Spécial "J'ai des textes dans une anthologie", quoi.
Bien joué, Lydia Padellec !



Le Printemps des poètes a choisi pour son édition 2018 (du 3 au 19 mars) le thème de l’ardeur. A cette occasion la Maison de la poésie Rhône-Alpes publie l’anthologie DUOS préparée par Lydia Padellec (choix des textes, biographies, préface).
Cet ouvrage est le 59e numéro de la revue de création Bacchanales. Il réunit 118 poètes, 59 femmes et 59 hommes en regard, ensemble. Leurs langues inventives, rebelles ou en symbiose avec le paysage, dans l’espace d’une page, se confrontent à la nature, au vivant, à l’environnement, au travail, à la civilisation numérique, à la violence, aux ravages de la guerre et des dominations.

Accompagné par les œuvres d'Anne-Laure Héritier-Blanc.

Avec : Sophie LOIZEAU / Jean-Philippe RAÎCHE, Marie-Clotilde ROOSE / Fredric GARY COMEAU, Cathy GARCIA/François-Xavier FARINE, Séverine DAUCOURT-FRIDRIKSON / Gwen GARNIER DUGUY, Marlène TISSOT / Pierre SOLETTI, Albane GELLÉ / Olivier COUSIN, Murièle MODÉLY / Arnaud BOURVEN, Sandrine CNUDDE / Rhissa RHOSSEY, Murièle CAMAC / Moëz MAJED, Hélène LECLERC / Vincent HOARAU, Myriam ECK / Gilles CHEVAL, Magali THUILLIER / Jean-Marc FLAHAUT, Laure MORALI / Denis POURAWA, Sabine HUYNH / Philippe PAÏNI, Marie-Noëlle AGNIAU / Sylvain THÉVOZ, Jasmine VIGUIER / Morgan RIET, Mérédith LE DEZ / Kouam TAWA, Armelle LECLERCQ / Stéphane BATAILLON, Laurine ROUSSELET /David BESSCHOPS, Sonia COTTEN / Julien SOULIER, Frédérique COSNIER / Pascal LECLERCQ, Anne MULPAS / David CHRISTOFFEL, Cécile A. HOLDBAN / Martin LAQUET, Valérie CANAT DE CHIZY / Emmanuel FLORY, Stéphane MARTELLY / James NOËL, Milady RENOIR / Mathieu BROSSEAU, Natacha DE BRAUWER / Vincent MOTARD-AVARGUES, Samantha BARENDSON / Jean-Marc UNDRIENER, Nathalie YOT / Cédric LERIBLE, Lydia PADELLEC / Simon MARTIN, Maïa BRAMI / Alexis BERNAUT, Cécile GUIVARCH / Étienne PAULIN, Nolwenn EUZEN / Thomas VINAU, Amandine MAREMBERT / Romain FUSTIER, Lucie TAIEB / Jean-Philippe BERGERON, Cécile GLASMAN / Mathieu HILFIGER, Kim DORÉ / Thomas DURANTEAU, Eugénie PAULTRE / Armand DUPUY, Emmanuelle FAVIER / YEKTA, Anne KAWALA / Philippe CLOES, Siham ISSAMI / Cédric LE PENVEN, Samira NEGROUCHE / Vincent CALVET, Mélanie LEBLANC / Guillaume SIAUDEAU, Linda Maria BAROS / Stéphane KORVIN, Adeline BALDACCHINO / Antoine MOUTON, Anne-Emmanuelle FOURNIER / Matthias VINCENOT, Pauline CATHERINOT / Paul WAMO, Catherine HARTON / Yann MIRALLES, Aurélia LASSAQUE / Éric PIETTE, Marie DE QUATREBARBES / Maël GUESDON, Irène GAYRAUD / Jean-Baptiste PEDINI, Geneviève BOUDREAU / Nicolas GRÉGOIRE, Ouanessa YOUNSI / François GUERRETTE, Anne-Cécile CAUSSE / Guillaume DECOURT, Florence VALÉRO / Maxime COTON, Laura VAZQUEZ / Yannick TORLINI, Lysiane RAKOTOSON / Émilien CHESNOT, Virginie FRANCOEUR / Pierre CAUSSE, Natasha KANAPÉ FONTAINE / Martin WABLE


Note de lecture : Murièle Modély, "Tu écris des poèmes"


Une autrice que je suis avec attention depuis ses débuts, c’est Murièle Modély. Nous avons des points communs (on nous confond parfois, j’en ai eu récemment des indices) : un prénom, une année de naissance, la manie qu’a la société de nous caser dans la catégorie « femme ». Et puis nous avons publié notre premier recueil la même année (mais depuis, elle a pris de l’avance sur moi…).
Mais ce n’est pas pour cela que je lis ses publications. Ou peut-être que si, un peu… Tout de même, la raison première, c’est que j’aime ce qu’elle écrit. Et que, livre après livre, elle me semble construire un univers fort et cohérent, et qui tient le coup.

Son dernier recueil paru tout récemment, Tu écris des poèmes, confirme assurément cette impression.
« Tu », dans le livre, c’est « je » – cette fameuse je « autre », celle qui écrit des poèmes, justement. « Tu » est peut-être le meilleur de « je » : une je « obligé[e] d’inventer » pour exister, obligé de se dédoubler (« un peu de noir sur beaucoup de blanc ») et même de se démultiplier, de se décomposer – parties du corps, meuble, île, clavier d’ordinateur. C’est ce dédoublement répété et créateur que la première partie du recueil explore. Corps organique et corps textué dialoguent à tu et à toi. Entre vacillement au bord « du gouffre sous tes pieds » et sensation « que le mystère d’être / sur le poing du poème / est à portée de main », entre « je » absentée et « tu » prétextée, quelque chose prend place : le poème.

La troisième partie, « des signes », peut être lue comme le prolongement de cette entreprise de dédoublement. Ici, ce sont les signes de ponctuation du clavier qui constituent à proprement parler les pré-textes aux expériences de « tu », avec lesquelles ils se confondent. A chaque signe son histoire, son « tu ».

La partie centrale en revanche, « à la lettre » (texte qui avait déjà été publié à part, et auquel la reprise dans ce recueil donne une nouvelle profondeur), apparaît plutôt comme un contrepoint aux deux autres. « Je » y fait son retour. Elle déclare même : « Je suis / une fille unique ». Comme pour réfuter l’entreprise précédente de dédoublement salvateur. C’est qu’ici il est question avant tout d'une faute qui rend presque impossible l’idée de dialogue. Une histoire de mort et de culpabilité – un événement « unique » mais également sans fin : nié, dénoncé, répété, mythifié. « à la lettre » explore une faute originelle qui déforme à jamais les choses et les mots. Qui déforme le « je » aussi (jusque dans son nom : « mrlmdl » ou « uieeoey »). Ici, le double de la création, c’est la destruction.



comme le poème, tu as un trou au milieu de la phrase
un cratère d’où les mots roulent, s’écoulent jusqu’aux chevilles
agrandissent jour après jour la surface de l’île
d’un littoral friable
qui plonge dans la mer (…)

Murièle Modély, Tu écris des poèmes, éditions du Cygne, 2017


Marlene Dumas, For Whom the Bell Tolls

Murièle Modély, "Feu de tout bois"


Une actualité brûlante comme l’asphalte en juillet : Murièle Modély vient de faire paraître Feu de tout bois aux éditions de la revue Nouveaux Délits (Délit buissonnier n° 1). Il y a une mère, des enfants, la vie et les mots. A lire !

Un poème très court très beau :


cuisine

certains jours
la langue quitte la bouche
et se balade limace au dessus de nos têtes




...Et le début d’un autre poème :


velot

j’entends des grognements à l’étage, c’est étrange
car il n’y a pas de fauve dans la jungle de leur chambre
il n’y a aucun animal dans la brousse sous leur lit
à peine peut-on voir les jours électriques surgir du papier peint
un ou deux monstres verts
tout dépend du matin, des lectures de la veille
(...)


Marc Chagall
 

Murièle Modély, "Les lignes parallèles"


En complément au post sur la parution de Murièle Modély & compagnie (et en guise de rappel), un extrait du poème d’ouverture de ladite Murièle Modély. Certes c’est un peu du copinage parce que je suis dans le livre, mais c’est aussi et surtout que je trouve ses textes, qui constituent la première partie du livre, très forts et très marquants. Jugez vous-même :


tu
le lèches des yeux
sous la boule à facettes
ton regard ponce élime
comme une scie

puis
six heures sonnent
et ta mère
pose
sa main
sur toi

alors que tes ongles rongés
imaginent sous leur fil
sa paire
de jeans

tu
languis de l’aimer
lui le il le mâle
circonflexe mobile
sur son cou rose pâle

mais ta mère ta mère
au corps bas et pesant
te montre ton sûr
futur
reflet

Murièle Modély & compagnie, mgv2>publishing, 2016 




Larry Clark, série "Tulsa"

Parution : Murièle Modély & compagnie



Attention, que du bon ! Murièle Modély & compagnie, ouvrage collectif, vient de paraître ce mois d'avril 2016, édité par Walter Ruhlmann et co-édité par Murièle Modély.

C’est le dernier volume des X & compagnie, série pilotée par Walter Ruhlmann depuis 2012 avec Amber Decker & Friends.

Avec des textes de Murièle Modély bien sûr, mais aussi de moi-même Murièle Camac, de Anna Jouy, Lidia Badal, Marlène Tissot, Al Denton, Jean-Marc-Flahaut, Perrine Le Querrec, Céline Renoux. Que du bon on vous dit.

Photographie de couverture de Bruno Legeai. Illustrations Maxime Dujardin.

© mgv2publishing ; contributeurs, avril 2016
86 pages — 7€ plus frais de port
Disponible ici.



Note de lecture: "Je te vois" de Murièle Modély

Murièle Modély a publié quatre recueils en deux ans : un beau rythme, qui dit l’urgence de l’écriture chez cette poète dont je suis l’évolution depuis le début. Elle vient de faire paraître Je te vois aux éditions du Cygne.

Il y a toujours un fil narratif dans les recueils de Murièle Modély, et c’est le cas ici. Mais le minimalisme est de mise : un couple dans une chambre, c’est tout. Une femme et un homme, « je » et « tu ». Deux corps nus, qui « font l’amour » ou « baisent » (c’est selon) puis se séparent ; un regard qui se pose sur l’autre (« je te vois ») ou bien s’en éloigne ; une langue qui cherche à émerger, avec les mêmes difficultés et hésitations, avec les mêmes va-et-vient que le couple se formant et se déformant. Dans Je te vois, le regard est un sexe et le sexe un instrument d’écriture. Les seuls moyens d’espérer laisser le « chaos » dehors.



les spasmes
sont les flèches plantées dans le petit matin
de mon demi sommeil
qui hésite
pressent la chute
l’amour
disparu
à venir
je mets ton visage en plein cœur de la cible
mes yeux sont ouverts l’arc est entre mes mains
mon geste est sûr la pointe entre tes reins
je tire :
tout revient à sa place


Murièle Modély, Je te vois, éditions du Cygne, 2014


Photo Henri Cartier-Bresson

Une critique de "Rester debout au milieu du trottoir", de Murièle Modély


Murièle Modély, dont nous avons suivi ici les débuts avec Penser maillée puis A la lettre, poursuit son chemin poétique avec la parution, tout récemment, de Rester debout au milieu du trottoir, recueil illustré par des photographies de Bruno Legeai.
On y retrouve son style tendu, son souffle court. On y retrouve ses images crues et cruelles. Et ses vies difficiles : ici, celle d’une « fille mauvaise », d’une femme perdue, prostituée, « pilonnée ». Cuisine, chambre, café miteux, « jungle » ou bien gare d’où l’on ne part pas : les lieux changent mais pas le dégoût. Le passé qui ressemble à un cauchemar paraît tout contaminer. « Se souvenir ne mène à rien », on fait du sur place.
En réalité, c’est faux : on avance. Le recueil est composé de deux parties : une suite de textes assez courts aux titres étranges, où se meuvent « elle » et « il » ; puis, à la fin, un long texte en italique et sans titre. C’est sans doute cette dernière partie qui donne tout son sens à l’ensemble. De la « fille mauvaise » on passe à « ma mère » – mère mauvaise – et des résonances troublantes se font alors entendre. Mais rien ne sera élucidé. Le mystère est plus épais à la fin qu’au commencement, et les derniers mots ne font que le renforcer.


Le nom des choses


la putain
Tout le monde l’appelle comme ça

L’homme à la moustache
accoudé au comptoir
Le serveur le patron
La femme qui lui ressemble
comme deux gouttes d’eau
dans le miroir
La petite fille qui joue
dans l’arrière-cour
Le chat qui miaule
près des poubelles
La mouche immobile
sur un bras son père
sa mère tout le monde
dit ça

Pas lui
Il dépèce le mot
pour trouver l’os qui craque
entre les incisives



Murièle Modély, Rester debout au milieu du trottoir, éditions Contre-Ciel, 2014

Spécial mini formats (1)



On ne les trouve pas en librairie. Ni en bibliothèque. Même pas dans les salons des petits éditeurs (c’est dire). Pour y avoir accès il faut être hyper-initiée : c’est-à-dire connaître la revue confidentielle qui s’en occupe et s’y abonner. En général, on fait ça parce que qu’on est soi-même un auteur (inconnu) et qu’on veut soi-même publier (et qu’on pense que Gallimard ne va pas nous accepter du premier coup) et puis qu’on se dit qu’il faut se serrer les coudes entre déshérités. (Ou alors, si ce n’est pas ça, c’est qu’on est un proche de l’auteur).
Donc au début on n’est pas trop sûre qu’ils vont vraiment nous intéresser, ces mini formats, et puis tiens, surprise, en fait, si ! En fait, c’est pas mal du tout !
Les mini formats ont une vie un peu ingrate et pourtant, quand on leur donne leur chance, on y trouve de vrais beaux brins de poèmes.

Ma sélection sera très limitée (je n’ai pas accès à tous les mini formats qui circulent…). Pour commencer, Murièle Modély.



Ça commence
toujours pareil

d’abord
rien

puis bang !
(un point)

rebang !
(une courbe)

rerebang !
(un mot)


Assise par terre
sur la terrasse
le doigt dans mon filet
de salive

j’écris

un mot
une courbe
un poing

ou rien

Murièle Modély, extrait de A la lettre, Mi(ni)crobes n° 38 (revue Microbe)


Sophie Calle, Prenez soin de vous


Une critique du recueil "Penser maillée", de Murièle Modély

Un début qui a retenu mon attention : Murièle Modély vient de publier son premier recueil, Penser Maillée, aux éditions du Cygne. Elle n’avait jusqu’ici fait paraître que quelques poèmes en revue, et elle tient aussi un blog très riche, que je suis depuis quelque temps. Ma façon d’écrire de la poésie est, je crois, assez différente de celle de l’auteur ; peut-être est-ce pour cela, entre autres, que j’ai été touchée.
Murièle Modély, nous dit-on dans la présentation, est originaire de l’île de la Réunion. Dans le livre, cette dernière est juste appelée « l’île » ; elle s’impose au fil des poèmes comme une présence obsédante. « L’île », c’est le lieu de l’entre-deux – ou peut-être serait-il plus juste de dire le lieu des conflagrations violentes : entre mer et volcan, eau et feu, entre mère et fille, entre noir et blanc, entre français et créole, entre désir et perte, jouissance et errance. Tout est violence dans ces poèmes aux vers brefs, cassants – d’une violence vitale, volcanique, qui apparaît comme source première d’énergie – pas très loin, me semble-t-il, de la « cruauté » créative d’Antonin Artaud :
« Un jour
Il faudra bien (…)
Que le crâne
Se fende
Que gerbent en continu
La bouche et le volcan »
Le recueil est une coque fendue d’où sort, dans la première partie, un prénom mystérieux : Jeanne. Qui est Jeanne ? Mère, fille, sœur ? Désir, absence ? Jeanne est un nom, un « je », un « elle », une île aussi, elle fait naître le poème mais lui échappe :
« Je m’appelle Jeanne
Tu
Elle
Ile
Un coup de bec
Fêle la cloche
Il n’y a pas de lignes
Elle n’est pas un livre
On ne peut pas la lire »
Ce nom à l’identité jamais élucidée constitue pour moi l’une des forces du livre, qui creuse l’énigme sans chercher à y mettre un terme.
Dans la deuxième partie du recueil (divisé en deux), les lieux changent : l’île est toujours là, mais vue d’une voiture, d’un muséum, d’un bar, vue d’« ailleurs », ou de « nulle part ». Il y a « l’homme », le sexe, « maman », et un « je » qui n’est « pas elle », « pas elles » – en quête d’une identité toujours irrésolue. La toute fin suggère tout de même une voie possible : celle du poème, sans doute, où « Mots / Et / Morts » sont « Emmaillés », et la « pulpe recomposée ».

Mais il n'est pas besoin d'attendre la fin pour savoir qu'on a là un auteur à suivre.

Murièle Modély, Penser maillée, Editions du Cygne, 2012


Tableau de Francis Bacon