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Un poème de Maria Polydouri : "Tu viendras tard"


Maria Polydouri et Kostas Karyotakis ont eu une brève histoire d’amour, vouée à l’échec. Kostas, atteint de syphilis, s’est donné la mort en 1928 ; deux ans plus tard Maria, atteinte de tuberculose, est morte à son tour. C’était une époque où les jeunes mouraient beaucoup. C’était aussi une époque où les hommes – particulièrement les surréalistes qui s’imposaient alors en France et en Europe – adoraient célébrer les femmes comme muses ; ce qui sous-entendait tout naturellement qu’elles n’étaient pas poètes. Heureusement, certaines ne s’en laissaient pas conter. Maria Polydouri a peu vécu, mais elle a vécu libre ; elle a quitté la Grèce pour Paris, a étudié, et a publié des recueils.

Les éditions Bruno Doucey ont fait paraître une anthologie bilingue rassemblant ces deux poètes. Ci-dessous, après Kostas la semaine dernière, Maria.



Tu viendras tard

Combien de temps me faudra-t-il encore attendre ton retour
comme de temps reculés, de pays étrangers, lointains ?
Ma petite vie s’amenuise et, jour après jour,
impuissante et tendre, tout doucement s’éteint…

Ecoute dans les arbres lugubres comme crissent les feuilles
qui annoncent l’automne. Regarde, la couleur du ciel
que les nuages ont brouillé… Un frisson glacé gagne
les petites fleurs… et tu tardes, tu tardes encore !

Tu viendras tard, avec la nuit, avec l’hiver gelé
et son linceul de neige, avec la plainte de la bise
et tu ne trouveras ni une rose, ni un lys candide,
ni même une anémone de deuil, à me donner.


Maria Polydouri et Kostas Karyotakis, Telles des guitares désaccordées,
poèmes traduits par Michèle Justrabo, édition Bruno Doucey, 2016



Θα 'ρθεις Αργά

Ως πότε πια θα καρτερώ να ξαναρθείς και πάλι
σαν από χρόνους μακρινούς και ξένες χώρες πέρα;
Λιγόστεψε η ζωούλα μου και μέρα με τη μέρα.
ανήμπορη και τρυφερή, σβήνεται αγάλι-αγάλι...

’Ακου στα δέντρα πένθιμα πώς τρίζουνε τα φύλλα,
μηνάνε το φθινόπωρο. Δες, τ' ουρανού το χρώμα
το θόλωσαν τα σύννεφα... Μια κρύα ανατριχίλα
στα λουλουδάκια χύνεται... κι αργείς, αργείς ακόμα!

Θα 'ρθεις αργά, με τη νυχτιά και με τον κρύο χειμώνα,
με το χιονοσαβάνωμα, με του βοριά το θρήνο
και δε θα βγεις ούτ' ένα ρόδο, ούτ' ένα αθώο κρίνο
να μου χαρίσεις... ούτε καν μια πένθιμη ανεμώνα.

Μαρία Πολυδούρη


Tableau de Nana Vetta

Un poème de Kostas Karyotakis: "Seulement"


Kostas Karyotakis avait été nommé fonctionnaire dans un petit port tranquille de Grèce, un joli petit port sur la Méditerranée, Prévéza – un petit port où rien ne se passe mais où l’on trouve la mer, le vent et le soleil. Ça ne lui a pas suffi : un beau jour d’été, il s’est tiré une balle dans le cœur. Il avait 31 ans. Ce n’est pas cela, certes, qui fait de lui un bon poète, mais comment ne pas en parler ? Kostas Karyotakis, encore tout jeune, a donc choisi de mettre fin à ses jours. Avant cela, il avait aimé Maria Polydouri, une autre poète, et écrit des vers qui restent dans le cœur, là où il a voulu se tirer une balle.



Seulement

Ah ! Tout devait arriver comme ça !
Voir les espoirs et les roses s’effeuiller.
Voir les barques des années s’échapper,
s’échapper et s’éteindre.

Comme ça, comme on se séparait au soir,
perdre à jamais tant d’amis.
Quitter le lieu où, enfant, j’ai grandi,
à la tombée de la nuit.

Les filles belles et simples – mes petites chéries ! –
emportées, en un tour de ronde, par la vie.
Et la douleur, qui m’enivrait parfois,
m’affliger encore en vain.

Tout ça devait arriver. Seulement, la nuit
n’aurait dû se montrer aussi douce qu’aujourd’hui,
ni les étoiles jouer là, comme ça, à me regarder
comme si elles me souriaient.

Kostas Karyotakis et Maria Polydouri, Telles des guitares désaccordées,
poèmes traduits par Michèle Justrabo, édition Bruno Doucey, 2016



Μόνο

Αχ, όλα έπρεπε να 'ρθουν καθώς ήρθαν!
Οι ελπίδες και τα ρόδα να μαδήσουν.
Βαρκούλες να μου φύγουνε τα χρόνια,
να φύγουνε, να σβήσουν.

'Ετσι, όπως εχωρίζαμε τα βράδια,
για πάντα να χαθούνε τόσοι φίλοι.
Τον τόπο που μεγάλωνα παιδάκι
ν' αφήσω κάποιο δείλι.

Τα ωραία κι απλά κορίτσια - ω, αγαπούλες! -
η ζωή να μου τα πάρει, χορού γύρος.
Ακόμη ο πόνος, άλλοτε που ευώδα,
να με βαραίνει στείρος.

Όλα έπρεπε να γίνουν. Μόνο η νύχτα
δεν έπρεπε γλυκιά έτσι τώρα να 'ναι,
να παίζουνε τ' αστέρια εκεί σαν μάτια
και σα να μου γελάνε.

Κώστας Καρυωτάκης

Edvard Munch, La danse de la vie