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Un poème d'Ariel Spiegler


En complément à mon précédent post sur Jardinier d’Ariel Spiegler, et parce que je n’avais pas cité son premier recueil sur ce blog, un petit poème tiré de ce dernier, C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment.



Il tenait à rester proche d’une étendue d’eau.
A l’heure où les autres dormaient,
il allait se noyer.

Et chaque soir on s’allongeait,
sans connaître la nuit dans laquelle il entrait,
ni son luxe d’image et de suffocation.

Ariel Spiegler, C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment, éditions Corlevour, 2017


© Penti Sammallahti



Ariel Spiegler : le recueil "Jardinier"


J’ai beaucoup aimé les premiers poèmes d’Ariel Spiegler publiés en revue, puis son premier recueil C’est pourquoi les jeunes filles t’aiment aux éditions Corlevour. L’écriture très musicale trouve dans la légèreté même sa profondeur et sa lucidité ; y émerge une pensée jamais donnée d’avance, jamais évidente en dépit de l’apparente simplicité.

J’étais donc curieuse, bien sûr, de lire le second recueil de cette poète, Jardinier, paru récemment aux vénérables éditions Gallimard (qui ont pris un risque inouï pour l’occasion : publier une jeune poète femme, française et vivante – du jamais vu, je pense).

Si l’on y retrouve pour l’essentiel l’écriture aérienne, ailée du précédent recueil (l’autrice ne s’appelle pas Ariel pour rien), l’atmosphère y est toutefois assez différente : plus grave, moins enjouée peut-être, surtout vers la fin du recueil.
Je ne l’ai pas compris tout de suite malgré l’exergue tirée du Livre d’Osée (la faute à ma connaissance déficiente de l’Ancien Testament), mais le thème dominant de Jardinier est une rencontre avec le Christ, avec la grâce. C’est l’exergue de la partie III qui nous le confirme : une citation, cette fois, de l’Evangile selon saint Jean où l’une des Marie (laquelle, déjà ?) prend Jésus mort et ressuscité pour un jardinier (clairement, ma connaissance du Nouveau Testament est meilleure que celle de l’Ancien : merci le catéchisme).
J’aime beaucoup cette exergue bizarre, inachevée (« Le prenant pour le jardinier, elle lui dit »). Elle correspond tout à fait à la façon bizarre, inachevée qu’a Ariel Spiegler d’aborder ce thème chrétien, pas forcément facile disons-le. Dans le recueil, le Christ est facilement pris pour quelqu'un d’autre, ou quelqu'un d’autre pour le Christ ; la poète hésite entre je et tu, hésite sur qui est qui, quoi dire, où aller. Conversations pleines de malentendus (« L’erreur s’est glissée en toute chose ») ; et conversion pleine d’inattendu (« Il est le contraire / de ce que l’on attendait »). Le Christ est pluie, la grâce eau : comment saisir cela ?
Ariel Spiegler a le mysticisme insolite, et charnel. Entre autre moments inattendus, pour la lectrice, l’aspect autofictif (semble-t-il) du livre IV, puis la sensualité et l’érotisme du livre V, en plein sur le chemin de la grâce, qui est finalement atteinte au livre VI (« C’est le moment de tomber / pire qu’amoureux »). La poète trouve son corps glorieux dès cette terre, en même temps que le salut de son âme.

On peut ne pas avoir les mêmes préoccupations chrétiennes que l’autrice ; on peut, même, avoir fait le chemin inverse (j’ai pour ma part, à l’adolescence, dû mettre fin – avec une réelle tristesse – à ma relation privilégiée avec Jésus). Mais la qualité du recueil est indéniable : l’originalité de l’écriture, la maîtrise de la composition, la force de la vision. Ce petit livre est de ceux qui nourrissent, sinon peut-être l’âme, en tout cas la langue et la pensée.



Il est ailleurs, il est dehors.

Retourne à ton silence, à ta tristesse si tu veux.

Dans les châteaux de sagesse
que tu as appris à bâtir pendant des années,
tu trouveras du pâté et des insectes.

Ariel Spiegler, Jardinier, Gallimard, 2019


Fra Angelico, Noli me tangere

Ariel Spiegler, "J’ai mis ton chien dans mon poème"


Ouvrons l'année 2016 en faisant le vœu qu'elle soit moins triste que 2015 et en pariant sur l'avenir : en l'occurrence, sur Ariel Spiegler, jeune poète qui semble n’avoir pas encore publié de recueil mais qu’on trouve ici ou là – à chaque fois avec bonheur – en revue et sur le net. Par exemple, sur le site de Recours au poème, qui nous dit qu’elle est née en 1986 à Sao Paulo – et rien de plus – si ce n’est qu’elle écrit de petites choses délectables comme ceci :


J’ai mis ton chien dans mon poème.
Il y a bavé très longtemps.
Je pense à des dimanches blêmes
d’hiver où il pleut doucement,
au mois de mai qui veut qu’on aime
et qu’on embrasse son amant.
Je veux sortir de la semaine
et voler éternellement.



© Max Neumann