Emmanuel Merle, dont j’ai déjà parlé ici à l’occasion de son
excellent Ici en exil, vient de faire
paraître un nouveau bref recueil aux éditions Alidades, Schiste.
Il continue son chemin – ou plutôt il s’arrête en chemin,
fasciné – sur les pierres et dans la neige de l’enfance. C’est du schiste, ça
brille, et pourtant il suffit d’un rien et « la pierre en est ternie, /
qui buvait la lumière ». Pas facile de garder son éclat à la pierre, non
plus qu’à la vie. Mais nul désespoir. Les poèmes d’Emmanuel Merle sont comme
des bouts de montagne : « des effrois, des nœuds de pierre (…) une
promesse / et son écharde ». Denses et endurants.
Ce chemin, entre la maison d’enfance
et la route, c’est la solitude apprise.
La lumière crépite sur le mica,
un miroitement,
mais la menace est là : un fil
à haute tension bourdonne,
un insecte rabote l’air.
C’est un enfant, tête baissée,
avec un bâton et des pierres,
comme s’il y avait déjà de l’amour
inemployable, même empoisonné.
Je connais bien Perceval figé,
l’arrêt du rêve devant
ce qui aurait pu être.
On ne ramasse pas le sang,
le schiste détaché du sol déçoit.
Schiste, éditions Alidades, 2013
© Gérard Traquandi |