Carl Rakosi (1903-2004) est un poète
américain associé au groupe des poètes objectivistes. Les éditions La Barque
viennent de publier son premier recueil traduit en français, Amulette : on peut lire ma note de
lecture sur ce recueil dans le numéro d’Europe
de ce mois-ci (jan-fév. 2019, n° 1077-1078).
Le meilleur dans le
livre, c’est sans doute un entretien avec le poète que les éditions ont
reproduit à la fin du volume, et qui avait déjà été publié dans Europe, justement. Non seulement c’est
fin et c’est intelligent, mais surtout, j’ai rarement vu un poète qui prenait
aussi peu la pose pour parler de son travail. Carl Rakosi ne joue ni au
prophète, ni au créateur douloureux, ni au cynique, il ne joue à rien, il ne se
la joue absolument pas, il dit les choses comme elles sont, très simplement et
honnêtement ; et on se rend compte en le lisant à quel point cela est rare.
– Pourquoi avoir intégré tel poème au recueil ? Parce que sinon je n’avais
pas un nombre suffisant de textes, mais c’est vrai qu’il est creux. – Que
veulent dire ces deux vers assez obscurs ? Je ne peux pas dire, je ne sais
plus à quoi je faisais référence. – Et quand il pense avoir fait un bon poème,
il le dit et l’explique avec la même candeur.
Ça tombe bien, une telle
honnêteté sans fard, parce que l’exigence première selon Rakosi pour qui veut
écrire de la poésie, c’est l’intégrité. J'ai un peu le même
credo que lui à ce sujet :
« Ce qui est
important est que soit préservée l’intégrité du sujet aussi bien que de
l’objet. C’est-à-dire, je respecte le monde extérieur – il contient beaucoup de
choses qui sont belles si vous les regardez attentivement. Je ne veux pas
contaminer cela ; cela a son être propre ; sa propre beauté et son intérêt
propre ne doivent pas être corrompus ou déformés. Mais le poète a aussi son
être propre. […] Il est extrêmement difficile de représenter le sujet, l’objet
qui a été la cause de votre expérience, dans son intégrité – et vous, qui en
faites le portrait, dans votre pleine intégrité aussi. »
Ça ne suffit pas, bien sûr,
mais j’en suis persuadée : quand on veut écrire un poème, avant toute
chose, avant même le travail de la langue, ce qu’il faut, c’est cette
intégrité-là.
Carl Rakosi, Amulette, traduction de l’américain par Philippe Blanchon
accompagné d’Olivier Gallon, éditions La Barque, 2018
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