Vide-poche : le poète britannique Ted Hughes

« Je crois que d’une certaine façon, je pense aux poèmes comme à une sorte d’animal. Ils ont leur vie propre, comme les animaux. Je veux dire par là qu’ils semblent distincts de toute personne, même de leur auteur, et que rien ne peut leur être ajouté ou retranché sans qu’ils en soient mutilés, ou peut-être même tués. Et ils ont une certaine sagesse. Ils savent quelque chose d’unique… peut-être quelque chose que nous serions très curieux d’apprendre. Sans doute ma visée a-t-elle été de capturer, non pas spécialement des animaux ni des poèmes, mais simplement des choses qui aient par elles-mêmes une vie débordante, en dehors de la mienne. »

"In a way, I suppose, I think of poems as a sort of animal. They have their own life, like animals, by which I mean that they seem quite separate from any person, even from their author, and nothing can be added to them or taken away without maiming and perhaps even killing them. And they have a certain wisdom. They know something special… something perhaps which we are very curious to learn. Maybe my concern has been to capture not animals particularly and not poems, but simply things which have a vivid life of their own, outside mine."

Ted Hughes, “Capturing Animals”, in Poetry in the Making, Faber & Faber, 1967.



J’aime beaucoup cette image du poème en animal. Une seule chose me gêne dans la citation : le terme « capturer », trop chasseur, trop guerrier, qui ne correspond pas (à mon avis) à ce qu’est l’expérience poétique. S’il y a conquête dans l’exercice poétique, c’est uniquement sur sa propre langue et sur soi-même. 
Si le poème est un animal, l'objectif n'est pas de le capturer, mais au contraire de l'écouter et de le regarder vivre.



Albrecht Dürer, Lièvre

7 commentaires:

  1. Certains animaux/poèmes, difficiles d'approche, demandent du temps pour être apprivoisés. Ou plutôt, il faut du temps pour qu'ils nous acceptent.

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    1. Tout est une question d'amour ! Et on ne peut pas aimer tout ce qui existe. (Ou si ?)

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  2. En effet, c'est une curieuse façon d'appréhender le poème, je dirais très masculine et la vôtre , très féminine ce qui vous rapproche de l'univers de Sylvia Plath. N'oublions pas que Hughes était une force de la nature, un colosse, un prédateur et même un "braconnier". Sans doute ce qui le rend si "sauvage" et lui permet une poésie si puissante...

    Marie-Brigitte RUEL

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    1. Il est indéniable que la "sauvagerie" a une certaine force de fascination... surtout celle de Hughes !

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  3. Belle citation ! Et bien vu pour le terme "capturer", Murièle ; il y a aussi une autre partie de cette citation qui m'interpelle : "rien ne peut leur être ajouté ou retranché sans qu’ils en soient mutilés".
    Pourtant, comme Ted Hughes le dit juste avant, les poèmes "semblent distincts de toute personne, même de leur auteur". Du coup, un autre auteur peut prendre un poème et en retrancher des mots ou des phrases, en ajouter d'autres, en modifier, jusqu'à en faire un texte nouveau. Après tout, la réécriture est la base de pas mal de poèmes (cf par exemple les fables de La Fontaine).
    Reste, bien sûr, à ne pas confondre avec le plagiat.

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    1. Mais réécrire un texte (c'est-à-dire produire un texte nouveau en s'inspirant d'un ancien) est très différent de modifier un texte déjà existant... Bien sûr que les textes font des petits (heureusement) !
      Il peut aussi y avoir plusieurs versions d'un même poème, mais chacune de ces versions a son existence propre et autonome.

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    2. Oui, effectivement, ce sont deux choses différentes. Je relis mon commentaire d'hier et le trouve maladroit, à mélanger ces deux façons de procéder... Au temps pour moi !

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