Vide-poche: le philosophe Etienne Tassin


Il faut que je le dise : sans Adèle Van Reeth – l’intelligence, l’humour, l’irrévérence enjouée d’Adèle Van Reeth – et son émission Les Nouveaux chemins de la connaissance sur France Culture, la vie serait un peu moins intéressante. Ben oui : je suis une fan.
L’autre jour, c’était le philosophe Etienne Tassin qui offrait chez elle un développement passionnant sur la langue, l’identité nationale, les frontières et la traduction. Allez, je retranscris :


« Zweig rappelle qu’en réalité, la langue doit se comprendre aussi comme ce qui lui permet de se battre contre ‘l’auto-glorification du nationalisme’. C’est-à-dire que la langue n’est pas le support d’une identité nationale dans laquelle tout à coup l’esprit d’un peuple se retrouverait, non ; la langue est quelque chose qui excède absolument cela. Et c’est pour cela, dit-il, qu’en se battant dans notre langue, et en défendant notre langue, nous nous battons aussi non seulement pour notre liberté, mais pour la liberté de tous les hommes, de tous les peuples et de l’humanité toute entière. (…) Ce qui est intéressant, c’est que cette langue-là ne connaît pas de frontière, ou plutôt elle ne connaît que des frontières, et pas de mur. Parce que toute langue est traductible. (…) Je peux passer d’une langue à l’autre. Et donc dans la langue, il y a à la fois la plus grande singularité de mon rapport au monde, et la plus grande capacité de sortir de cette singularité et d’être en véritable échange avec d’autres singularités.
Au fond, une frontière, ce n’est pas une limite qui sépare des Etats et qui rend impossible le passage de l’un à l’autre, c’est exactement le contraire : la définition d’une frontière, c’est que c’est une porte. C’est une porte de passage. Et les langues sont de multiples frontières : à la fois elles nous tiennent à distance et à la fois, par leur traductibilité, elles rendent possible que nous soyons toujours en échange les uns avec les autres. »

Etienne Tassin dans Les Nouveaux chemins de la connaissance
sur France Culture, le 25/09/2015

La tour de Babel, fresque romane de l'abbaye de Saint-Savin-sur-Gartempe

2 commentaires:

  1. Merci pour ce très beau texte sur la perméabilité de la langue. Sans oublier le bel hommage aux traducteurs et interprètes de tous bords inclus dans cette réflexion...
    M.B. RUEL

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    1. "Traduttore, tradittore", peut-être, mais il est parfois (souvent ?) nécessaire de trahir — un peu !

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