Emmanuel Merle: "Démembrements" et "Nord, seul point cardinal"



L’actualité éditoriale d’Emmanuel Merle est riche ces temps-ci. Signalons deux remarquables publications récentes, deux ensembles situés aux deux bords opposés du champ chromatique.

Dans le dernier Décharge (n° 170, juin 2016), la série de poèmes intitulée « Démembrements » est noire, très noire, et elle laisse des marques. Comme du charbon qui s’effrite entre les doigts et noircit les ongles — du charbon froid, sans feu. On voit les corps, les vies, les voix partir à la dérive, tenter de se raccrocher au peu qui reste : « souvenons-nous de nous / souvenons-nous de nos membres / de nos mains dans ce pays silencieux ».

Aux éditions Pré#carré, le dernier livret de la collection Poésie#carré s’intitule Nord, seul point cardinal. Là non plus il ne fait pas chaud. La couverture, très réussie (et réalisée par Emmanuel Merle lui-même), a de faux airs d'un Rothko — elle est rouge rose. Mais l’intérieur des textes est blanc, très blanc, avec des nuances de gris et de bleu glacier. Et ils font entendre (les poèmes) un petit cric-cric plaintif de neige qui grince.

On voudrait tout mettre — je ne donne que le poème d’ouverture :


1.

Tu marches sur la glace, tu pressens
que remontent par-dessous,
lointains encore,
les disparus,
avides d’une seconde vie,

des nœuds dessérrés
des paroles mal entendues.

Emmanuel Merle, Nord, seul point cardinal, éditions Pré#carré (n° 91), 2016


Installation d'Andy Goldsworthy, Before the mirror

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire