Qui a lu l’hallucinante et inoubliable Trilogie
des jumeaux d’Agota Kristof, étrange OVNI dans le roman en langue
française, ne peut qu’avoir envie de lire les poèmes de la même plume, publiés pour
la première fois aux éditions suisses Zoé. La plupart ont été écrits en
hongrois et traduits par Maria Maïlat.
Ils ne sont pas aussi puissants que les trois romans, sans doute ;
mais ils créent un semblable univers de chagrin, d’amour, de solitude et de cruauté
mêlés, qui touche profondément.
La table
En se penchant, il vit son visage,
Sur la surface brillante, rouge son propre visage,
Et ce visage était profond comme les rêves de l’enfant,
Incroyablement solitaire comme les années qui s’en suivirent,
Et comme les premiers jours de la vie, entièrement oublié.
Il le dévisagea de l’intérieur du cadre noir de la table,
Un cadre qui n’était pas carré,
Ni rond, au mieux, il faisait penser peut-être
à une amibe.
Il le regardait, ne lui demandait rien,
Les ombres pénétraient dans la chambre et eux
Ils s’éloignaient l’un de l’autre comme les instants.
Agota Kristof, Clous.
Poèmes hongrois et français, édition bilingue,
traduction de Maria Maïlat, éditions Zoé, 2016
Chaïm Soutine, Autoportrait avec barbe |
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