Koshkonong est une revue de poésie élégante, imprimée en belle typographie, sobre,
sans falbalas, sans même de vraie page de couverture (on commence direct sur un
poème).
Un peu plus d'"avant-garde",
si ce mot a encore un sens et un intérêt, que les revues que je lis d’habitude. Un peu plus
expérimentale, quoi. Et peut-être aussi un poil plus snob. (La dernière de couv’, occupée par un texte comme la première, consiste
par exemple en un exercice de name-dropping, d’ailleurs intéressant : un
« Souvenir d’une conversation avec Robert Grenier, 6 juin 2016, rue de la
Montagne Sainte-Geneviève », où interviennent sur 20 lignes, outre Robert
Grenier et la Montagne Sainte-Geneviève, Robert Creeley, Kenneth Rexroth, San
Francisco, Harvard, Albuquerque, Stan Brakhage, Leslie Scalapino, plus deux
épouses et un dédicataire désignés par leur seul prénom. Mais pas le
nom de l’auteur, curieusement — Martin Richet).
La revue est dirigée par
Jean Daive et publiée par Eric Pesty. Puis-je me permettre de trouver que 11 euros
pour 24 pages, c’est quand même beaucoup ?
Un poème a attiré mon
attention en couverture du numéro 12, daté de l’été 2017. Je l’ai lu et relu,
puis relu dans le désordre, relu par bribes, et finalement, toujours intriguée, j’en recopie ici un
extrait.
Intrigue
(…)
D’abord vient l’eau.
Puis l’air.
Un ouragan. Un soupir.
Abigail. Norma. Laquisha.
Molly. Sylvia. Roxanne.
Tempérance. Emma.
Delilah.
Daphné. Wilhelmina. Georgette.
Glissement de terrain.
Décombres.
La première phase fut
l’enfance.
La deuxième phase fut
Béatrice.
La première phase fut
Béatrice.
La deuxième phase fut l’enfer.
D’abord la ville, puis la
forêt.
La deuxième phase fut Virgile.
La troisième phase fut
expurgée.
La quatrième passa
inaperçue.
La dernière phase fut une
lettre.
Une seule bêtise
fredonnée.
Qu’est-ce qui vient en
premier les blanchisseurs d’argent ou les flatteurs.
Qu’est-ce qui vient en
premier le bûcher ou la glacière.
Au commencement une voix.
Au commencement la paramécie.
D’abord le carbone.
Puis l’électricité.
Ensuite les chaussures.
Au commencement un arbre.
(…)
Elizabeth Willis, traduite par Martin Richet,
in Koshkonong, numéro 12, été
2017
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© William Kentridge : Black Monkey Thorn |