Et un autre petit extrait
de Nathalie Quintane :
« La notoriété casse
les vies et rend stupide. Les écrivains que nous aimons – Rimbaud, Kafka… – ont
eu cette chance de ne pas la connaître. Il faut mourir vite, ou bien qu’on ne
nous voie pas. Je ne dis pas qu’il faut être alcoolique et pauvre pour écrire –
ça n’aide pas. Je ne parle pas d’un brevet ès qualité ; l’oubli ne la
garantit pas plus que la notoriété. Mais qu’il faille préférer la vie de Dickinson
à celle de Houellebecq : oui. »
Nathalie Quintane, Ultra-Proust, La Fabrique, 2018
Cette fois, je suis d’accord
sans hésiter. Non que je me prenne pour Rimbaud, ni pour Kafka, ni pour Emily
Dickinson. Non que je m’inquiète non plus de la menace que fait peser la
notoriété dans ma vie (c’est un problème qui jusqu’ici me concerne peu).
Mais c’est juste pour
dire :
ça fait du bien de lire quelqu'un faire, pour une fois, l’éloge de
la discrétion, et casser un peu cette passion collective contemporaine pour la
publicité et l’image de soi.Kathe Kollwitz, Selbstbildnis am Tisch |
Heureuse de lire votre ouverture " au trait de satire ", Murièle. Mais dites-moi, vouloir être publié(e) ou l'être déjà chez les petits maitres - avec cette impatience viscérale de changer de maitre encore plus grand encore plus visible - et qui est telle qu'on la lit à demi-mot dans un cercle très très privé - n'est-ce pas déjà manquer de discrétion ?
RépondreSupprimerLa discrétion n'est pas disparition de soi, ni manque d'ambition ou d'exigence d'ailleurs. Les exemples choisis par Quintane sont les plus radicaux, ça ne veut pas dire que ce sont des modèles à suivre. Il faut publier, je pense, il faut créer une relation à l'autre - sinon écrire n'est rien d'autre que soliloquer, et heureusement que Verlaine, Max Brod et la famille Dickinson ont sorti malgré eux les trois auteurs cités de leur oubli. (J'ajouterai : il faut publier en particulier quand on est une femme, pour protester tous ces siècles de silence forcé).
SupprimerIl faut vouloir être lue, et ne pas confondre cela avec vouloir être vue.
RépondreSupprimerAussi j'oubliais - Käthe Kollwitz fait vivre l'évolution dans le trait, c'est la condition ! Merci pour cette sélection en belle figure de style.
Vouloir être publié(e) et vouloir être lu(e) sont deux désirs en querelle. Comme deux êtres où l'un envisage vendre un peu de livres mais sans dévisager un peu de lui - bien se montrer pour bien vendre. Tandis que l'autre veut seulement ressentir à distance la sensorialité du simple don.
RépondreSupprimerIl n'y a pas que la publication pour protester, l'acte d'écrire suffit, l'envie de donner soulève et porte la lecture.
Eh bien là, nous ne serons pas d'accord... L'acte d'écrire suffit peut-être à celle qui écrit, mais alors, ne pas publier, c'est refuser à cet acte la portée sociale et politique qu'il pourrait avoir. Mon point de vue est d'assumer la part politique que contient l'acte d'écrire – en publiant. Emily Dickinson a eu raison de vivre cachée, et tort de ne pas publier.
SupprimerCette part politique, Murièle, là maintenant et ici n'a pas sa place, il nous faudrait étendre d'autres points de vue, d'autres horizons et réveiller des souvenirs, creuser un peu plus ce que vous signifiez " assumer ". Qu'elle ait eu tort ou raison n'est pas le sujet, Emily Dickinson sentait bien plus le monde de l'intérieur que tout autre diseur en salon privé. Un autre monde, un autre temps - regardez autour de vous.
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