Un début qui a retenu mon
attention : Murièle Modély vient de publier son premier recueil, Penser
Maillée, aux éditions du Cygne. Elle
n’avait jusqu’ici fait paraître que quelques poèmes en revue, et elle tient
aussi un blog très riche, que je suis depuis quelque temps. Ma façon d’écrire
de la poésie est, je crois, assez différente de celle de l’auteur ;
peut-être est-ce pour cela, entre autres, que j’ai été touchée.
Murièle Modély, nous dit-on dans la présentation, est
originaire de l’île de la Réunion. Dans le livre, cette dernière est juste
appelée « l’île » ; elle s’impose au fil des poèmes comme une
présence obsédante. « L’île », c’est le lieu de l’entre-deux – ou
peut-être serait-il plus juste de dire le lieu des conflagrations
violentes : entre mer et volcan, eau et feu, entre mère et fille, entre
noir et blanc, entre français et créole, entre désir et perte, jouissance et
errance. Tout est violence dans ces poèmes aux vers brefs, cassants – d’une violence vitale, volcanique, qui apparaît comme source première d’énergie – pas
très loin, me semble-t-il, de la « cruauté » créative d’Antonin
Artaud :
« Un jour
Il faudra bien (…)
Que le crâne
Se fende
Que gerbent en continu
La bouche et le volcan »
Le recueil est une coque fendue d’où sort, dans la première
partie, un prénom mystérieux : Jeanne. Qui est Jeanne ? Mère, fille,
sœur ? Désir, absence ? Jeanne est un nom, un « je », un
« elle », une île aussi, elle fait naître le poème mais lui
échappe :
« Je m’appelle Jeanne
Tu
Elle
Ile
Un coup de bec
Fêle la cloche
Il n’y a pas de lignes
Elle n’est pas un livre
On ne peut pas la lire »
Ce nom à l’identité jamais
élucidée constitue pour moi l’une des forces du livre, qui creuse l’énigme sans
chercher à y mettre un terme.
Dans la deuxième partie du recueil (divisé en deux), les
lieux changent : l’île est toujours là, mais vue d’une voiture, d’un
muséum, d’un bar, vue d’« ailleurs », ou de « nulle
part ». Il y a « l’homme », le sexe, « maman », et un
« je » qui n’est « pas elle », « pas elles » – en
quête d’une identité toujours irrésolue. La toute fin suggère tout de même une
voie possible : celle du poème, sans doute, où « Mots / Et /
Morts » sont « Emmaillés »,
et la « pulpe recomposée ».
Mais il n'est pas besoin d'attendre la fin pour savoir qu'on a là un auteur à suivre.
Mais il n'est pas besoin d'attendre la fin pour savoir qu'on a là un auteur à suivre.
Murièle Modély, Penser maillée, Editions du Cygne, 2012
Tableau de Francis Bacon |
Belle chronique d'un recueil qui le mérite.
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