Pierre Michon : "Nous ne lisons pas (Rimbaud)"


Pierre Michon n’est pas poète, mais magistral prosateur. Tout ce qu’est Rimbaud, tout ce qu’est cette « œuvre petite et fermée comme un poing », tout ce qu’est la lecture de Rimbaud, ou l’impossible lecture de Rimbaud – Michon le dit dans les 120 petites pages remarquables qu'il a intitulées Rimbaud le fils.


« Nous sommes des crapules romanesques. Non, nous ne lisons pas, moi pas plus que les autres. C’est un poème que nous écrivons, chacun à notre manière, sous nos calottes de soie, comme jadis on le faisait autour des beaux canevas de Troie et de la Grèce. C’est notre poème, et les poèmes de Rimbaud restent cachés à l’intérieur du nôtre, bien au secret, réservés, comme postulés : notre poème a pris tant de place qu’il nous arrive, ouvrant le petit livre où reposent les écrits d’Arthur Rimbaud, de nous étonner qu’ils existent. Nous les avions oubliés. De nouveau nous les parcourons, hâtifs, aveugles, craintifs comme la petite fourmi qui sans souci des lignes passe en biais sur notre page, quand nous l’avons mise par terre près de nous, dans le jardin. »

Pierre Michon, Rimbaud le fils, Gallimard, 1991 

Gustave Courbet, L'homme blessé

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire