Depuis la première édition en 1986 de trois petits livres d’artiste de Fabienne Yvert, Papa part, Maman ment, Mémé meurt
(réunis désormais en un seul recueil), ceux-ci ont été republiés régulièrement et ils squattent ainsi
en petit format les bonnes librairies. La lecture de Papa part, maman ment, mémé meurt est un pur moment de plaisir :
c’est surprenant, drôle, déconcertant, émouvant, musical, c’est – faut-il le préciser
– de la poésie.
Papa veut s’en aller, ça lui a pris ce matin, on sait pas trop comment ni
pourquoi, juste un soir il l’a dit d’un air qu’on ne lui connaissait pas, est-ce
que c’était vraiment papa ou son sosie ? Est-ce que quelqu'un l’avait
hypnotisé ? une sorcière lui a fait manger une pomme ? il est
traumatisé.
Papa est parti, il est devenu maman, je l’ai croisé dans l’escalier avec
des bas résilles et du rouge à lèvres, il est redevenu bébé, on l’a mis dans
une couveuse, il était prématuré, maman est enceinte de papa.
Pourquoi papa part, hein ? – il est parti avec la mère Denis après la
publicité à la télévision, il est parti en guerre contre le cancer, il est
parti en Ethiopie pour leur donner un bol de riz, il est parti à Lourdes pour
faire un miracle, il est à Lourdes pour essayer de guérir psychologiquement, il
rêvait de partir depuis qu’il est tout petit.
On ne l’a plus jamais revu.
Fabienne Yvert,
Papa part, maman ment, mémé meurt, Attila, 2011
Dessin de Carol Rama ("Appassionata"). A voir en ce moment la très étonnante expo de cette très étonnante artiste italienne au Musée d'Art Moderne de Paris. |
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