Vide-poche : Anna Maria Ortese


M'ont frappée ces propos que la romancière et poète italienne Anna Maria Ortese tient dans un entretien (daté de 1977) au sujet de l’écriture et de la lecture. On compare souvent ces dernières à une forme de voyage spirituel ; elle en fait au contraire le moment où on « rentre à la maison ».
J’aime beaucoup aussi le fait qu’elle considère ces deux activités comme une seule et même expérience de vie. Ce qui compte, ce n’est pas l’acte lui-même (lire ou écrire) ; c’est la manière dont il est effectué : « réellement, pour soi ».


« — Quelle idée – littérature à part – te fais-tu, ou t’es-tu fait, de l’être humain ?
— D’un être vivant dans un endroit qui n’est pas à lui. »
...
« Ecrire, c’est chercher le calme, et parfois le trouver. C’est rentrer à la maison. De même que lire. Qui écrit ou lit réellement, c’est-à-dire seulement pour soi, rentre à la maison ; il est bien. Qui n’écrit ou ne lit jamais, ou bien seulement sur commande – pour des raisons pratiques – est toujours hors de la maison, même s’il en a beaucoup. C’est un pauvre, et il rend la vie plus pauvre. »


« — Che idea – letteratura a parte – ti fai, o ti sei fatta, dell’uomo?
— Di uno che vive in un posto non suo. »
...
« Scrivere è cercare la calma, e qualche volta trovarla. È tornare a casa. Lo stesso che leggere. Chi scrive o legge realmente, cioè solo per sé, rientra a casa; sta bene. Chi non scrive o non legge mai, o solo su comando – per raggioni pratiche – è sempre fuori casa, anche se ne ha molte. È un povero, e rende la vita più povera. »

« Un’intervista all’autrice », in L’Iguana, Adelphi, 1986


[Traduction © Murièle Camac]


Vermeer, La ruelle

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