On ne parle pas assez de Jean-François Mathé. C’est que sa poésie n’est pas
spectaculaire, pas tape-à-l’œil, pas déchirée ni déchirante, pas non plus divertissante,
elle ne cherche pas l’effet. Elle ne brasse pas d’air mais justement pour cela,
elle sait créer du vent, réellement :
Le vent se retourne
comme quelqu'un sans visage,
et nous nous traversons l’un l’autre
sans étreinte au passage.
Moi, en lisant cela dans le métro, assise au milieu de mes semblables patients,
j’ai reçu une rafale en pleine face. J’ai été traversée. Beat that.
La poésie de Jean-François Mathé n’est pas spectaculaire mais elle est
nourrissante, ce qui vaut beaucoup mieux. Personnellement, sa lecture me
procure des sensations similaires à la contemplation des tableaux de Giorgio
Morandi, par exemple (les vrais tableaux, et non leur reproduction numérique sur
internet, cela va de soi). Pas en ce qui concerne les thèmes, mais pour la
vibration, le tremblé, pour l’émotion de la ligne. Le peintre figuratif crée un
espace de vie sur sa toile, autour du motif représenté et en celui-ci : la
nature morte vit. De même, chez Jean-François Mathé, les mots tremblent,
réagissent les uns aux autres et créent un espace de vie autour d’eux :
les détails s’agrandissent à la dimension de la vie entière.
N’est-ce pas cela, la poésie ?
Lisez donc Agrandissement des détails.
A coups de lumière froide, février taille les jardins jusqu’à l’essentiel. On
a l’impression d’y grandir par le silence et la pureté, par des enjambées
matinales qui ont gardé du sommeil le pouvoir de tout traverser sans rien abîmer
au passage. Et l’on irait longtemps ainsi, du clair au
plus clair encore, si les cris des corbeaux ne tiraient soudain du silence les
lambeaux de ce qui a secrètement pourri sous le temps.
Jean-François Mathé, Agrandissement des détails,
Rougerie, 2007
Giorgio Morandi, Nature morte |
Ah oui ! ça m'a donné envie de le lire. Connaissais pas du tout. Merci.
RépondreSupprimerJe ne saurais en recommander assez la lecture. (Merci pour votre passage ici).
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