Je me pose régulièrement la question suivante : comment parler de la société dans laquelle je vis, comment évoquer la situation politico-économique si présente dans tous les discours et dans les esprits ?
Comment ouvrir le poème au monde de l’argent et du pouvoir, qui sont si manifestement ses antithèses ?
Je n’ai pas vraiment trouvé de réponse. Victor Hugo a fait de très beaux poèmes politiques… Mais c’était une autre époque, et puis c’était Victor Hugo.
Malgré tout, j’essaie. Ne trouvant pas crédible (pour l’instant, en tout cas) de parler moi-même, en mon nom, de tels sujets, j’ai décidé d’emprunter les discours des autres. J’ai donc réalisé deux séries de « copié-collé » à partir de phrases trouvées dans des journaux et des magasines en 2010.
La première de ces deux séries est parue récemment dans le n° 42 de Traction-Brabant. Patrice Maltaverne (le patron du poézine) l’avait légèrement modifiée, avec mon plein accord bien sûr ; je donne ici la version première.
copié-collé 2010 (1)
le romani, apparenté à l’hindi, existe depuis plus de mille ans
ce que nous avons vu, c’est une politique cohérente et systématique en faveur de la classe dominante
un réalisateur français, d’origine algérienne, s’est autorisé à voir la guerre d’Algérie de « l’autre côté »
bien conseillés par des avocats fiscalistes, les contribuables les plus aisés peuvent ainsi se rapprocher de l’impôt zéro et parfois l’atteindre
on a des codes : honneur, respect, famille, ne pas s’attaquer aux pauvres, aux enfants ou aux vieux
permettre à la finance d’asseoir son pouvoir sur l’économie et de transformer la bourse en casino
sur une superficie comparable au tiers de la France vivent 120 000 âmes : les ethnies Curripaco, Baniva, Yanomani, Baré, Saliva, Yabarana, Jiwi, Piaroa, Piapoco, Cubeo, Panare
aujourd’hui, globalement, ce sont les entreprises qui financent les actionnaires au lieu du contraire
un poème ou une nouvelle, chez lui, c’est un peu la même chose : un fragment, une déflagration, des flots d’amertume, des césures, des silences
d’autres diraient pure banalité, d’autres diraient encore affreux désespoir
Photo Andreas Gursky: La bourse de Tokyo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire