Vide-poche : Nicolas Bouvier

La fin sublime de L’Usage du monde – il faudrait relire ça tous les jours :
Afghanistan. Le centre du monde, le bout du monde. Nicolas Bouvier reste immobile pendant une heure devant un incroyable paysage « de terre et de roc », où « le monde de l’anecdote était comme aboli ».
Et il dit :

« Ce jour-là, j’ai bien cru tenir quelque chose et que ma vie s’en trouverait changée. Mais rien de cette nature n’est définitivement acquis. Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu’on porte en soi, devant cette espèce d’insuffisance centrale de l’âme qu’il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr. »

On apprend cela en effet en vieillissant : qu’il existe des moments de grâce, mais que la grâce ne dure pas, et ne change rien – rien, en tout cas, au fait que tout est toujours à recommencer.


Afghanistan, photo Didier Lefèvre


7 commentaires:

  1. La grâce, oui. Le salut ? L'oubli progressif de soi dans la contemplation du monde. Dans la plus extrême pudeur.

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  2. C'est vrai... le salut relèverait plus de l'effort constant, d'un exercice sur soi, dans la durée.
    Cela dit, ce qui me gêne un peu dans cette notion, c'est cette idée qu'on aurait besoin d'être sauvé, ce qui suppose qu'on se serait auparavant égaré ou qu'on aurait "chuté". La "grâce", elle, peut surgir sans justification !

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  3. oui mais pour la percevoir, il faut être dans un xertain état de sensibilité, comme dans un état poétique La grâce ne dure pas mais dans sa durée éphémère et même quelques instants après , elle change sa perception du monde ...

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    1. Et le travail poétique serait alors de restituer, dans la mesure du possible, cette modification éphémère de la perception.

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    2. oui, maisc'est comme photographier l'aura, autant dire que ...

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    3. l'aura, c'était du temps des plaques... mais la grâce, c'est un mouvement... peut être en danse, pour le reste on ne peut l'écrire, enfin je crois ...

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