Bon, je ne suis pas une obsédée des distinctions
officielles, mais Valérie Rouzeau qui reçoit le prix Apollinaire (le « Goncourt
de la poésie »), ça mérite quand même une petite mention et un petit
hommage.
J’ai découvert cette poète d’abord grâce aux revues de
poésie qui en faisaient l’éloge et donnaient à lire des extraits de son œuvre –
merci à elles – et ensuite en lisant quelques-uns de ses recueils : Mange-Matin, Pas revoir, Neige rien, et tout
récemment le fameux Vrouz qui lui
a valu le prix. Prix mérité : son écriture est pour moi l’une des plus
stimulantes et les plus roboratives de la poésie contemporaine en France. Lire
Rouzeau, c’est faire mentir tous ceux qui pensent la poésie élitiste, difficile
d’accès ou déconnectée des préoccupations quotidiennes : chez elle, le
dialogue avec l’époque et la société se fait tout naturellement. Le travail sur
le langage devient – ce qu’il devrait être – tout entier jeu (jeu sérieux bien
sûr) et plaisir. Et la poésie surgit sans effort apparent : avec candeur,
avec humour, avec mélancolie.
En plus, c’est une excellente traductrice : voir ici un
exemple de son travail sur un poème de Sylvia Plath.
Et pour une petite note politique :
Notons que sur les vingt dernières années, seules deux
femmes, avant Valérie Rouzeau, ont obtenu ce très respectable prix (et
avant elles, deux autres femmes seulement depuis 1947) – il faut toujours
rappeler ce genre de détail.
A mettre en rapport avec le nombre considérable de femmes
qui durant les mêmes vingt dernières années ont écrit de la poésie, et de la
bonne, en tout cas pas de la moins bonne que celle des hommes. — Mais le monde
littéraire n’est pas du tout crispé sur ses vieux privilèges, non non, pas du
tout étriqué d’esprit ! Mais le monde littéraire reste l’avant-garde
éclairée de la société, sa conscience, son honneur !
(Réflexion à prolonger ici...)
Un extrait de Vrouz :
On me demande de rédiger une note de frais
Et moi je pense au fond de l’air
Je sonde ma personne facture donc
Ma crève et mon temps de parole
Tant de paroles pour une intro
Vertie comme moi il faut tenir
Vertie convertie à mourir
De trac de trouille tracasserie
A sonner mots justes et injustes
Palabres graves ou devinettes
Sornettes voire onomatopées
Le palpitant au maximum
Du nombre de ses coups minute
Boum j’ai écrit et j’ai signé ma note de frais.
Valérie Rouzeau, Vrouz, La Table ronde, 2012
Installation d'Annette Messager |
Très difficile, ce texte, je trouve ! Je l'ai relu je ne sais combien de fois pour percevoir une structure, une cohérence. Et, tout d'un coup, je le ressens comme une sorte de stress une accumulation de contraintes et de contrariétés, à un rythme accéléré, ce contraste entre "moi" et "on"que nous vivons tous un jour.
RépondreSupprimerCe style me déroute. Peut-être est-ce l'effet recherché?
M.B. Ruel
Votre réaction est intéressante, je n'aurais pas pensé que ce texte puisse sembler "difficile" parce qu'il a un côté ludique, "pas sérieux" ; mais si c'est ce que vous avez éprouvé c'est que j'avais tort !
SupprimerOui, je crois que le style est volontairement déroutant, dans l'intention de titiller les lecteurs, de les provoquer gentiment. Et l'effet de stress, l'impression de se sentir dépassé et de ne pas tout comprendre (ce que vous avez ressenti en tant que lectrice), c'est bien précisément le sujet du poème. Donc je crois que vous l'avez lu comme il fallait ! (Même si c'est surtout V. Rouzeau qui pourrait le dire).
Ah , bien sûr, ce n'est pas du classique, du rassurant, du propret qui rassure. Cette terre labourée, travaillée et retravaillée, finit par prendre forme de poème. J'aime cette force qui bouscule, ces jeux de mots qui me dé-rangent de ma route et m'atteignent. J'aime ressentir cette gêne au moment de convertir la lecture en monnaie. J'aime cette échappée belle du sérieux pour aller mieux gambader sur ses terres, libre. Je ne lis pas ce poème en lettré car je ne suis pas de ce monde là. Je le lis avec le cœur, je le prends dans les tripes. Avec sa rapidité d'écriture, son stress en cadeau et hop, me voici prêt à prendre la route. Je l'ai vécu ainsi.
RépondreSupprimerJ'avoue avoir simplement rencontré l’œuvre de Valérie Rouzeau, depuis quelques jours simplement. Je lui ferai une place sur mon blog, très prochainement.
La poésie de Valérie Rouzeau procède d'une candeur lucide qui est très rare dans la poésie française. Et qui fait un bien fou.
Supprimertrès bien votre site et les poèmes de Valérie Rouzeau. Je suis directeur d'une revue de poésie depuis 45 ans à Dijon... voir notre site e nouveau site : http://poetesdelamitie.blog4ever.com/
RépondreSupprimermail DE LA REVUE : aeropageblanchard@gmail.com
Félicitations pour votre revue, pour sa longévité et son dynamisme ! (je suis allée voir le site.) Et merci pour votre passage ici.
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