Vide-poche : Pascal Quignard


Pascal Quignard dans Les désarçonnés opère une remontée – subjective, poétique – vers les origines de l’humanité :

« L’espèce humaine est spontanément hallucinatoire (bien plus qu’auto-dissimulatrice).
Elle est inconsciente non pas en ce qu’elle refoule mais en ce qu’elle ne perçoit jamais le réel.
Les hommes ouvrent rarement les yeux sur l’anarchie terrifiante de la chronique humaine. Toute catastrophe devient sous les yeux humains, c'est-à-dire au fond de leur mémoire inévitablement linguistique, une épreuve qui a un sens. (…)
Le fait de dire est oublié derrière ce qui est dit.
Le quod de la langue est oublié au profit du quid de la pensée. »

Pour reprendre les termes de Pascal Quignard : la poésie n’empêche pas l’hallucination ni la transformation de l’anarchie en sens – autant empêcher à l’humanité d’être humaine – mais elle met en lumière l’origine « inévitablement linguistique » de l’hallucination.
Elle n’efface pas « ce qui est dit », mais elle se souvient de l’importance du « fait de dire ».


© Jonathan Shimony


4 commentaires:

  1. Citation intéressante.
    Représentative de la philosophie de Quignard dans sa quête de sens à travers la polysémie, l'étymologie., la trace de l'art en général.
    L'importance de la lettre , pierre après pierre dans son "dernier royaume". L'importance du JADIS où demeure à jamais ce qu'évoque le mot écrit.

    m.b.ruel@free.fr Marie-Brigitte RUEL

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    1. Oui ; et s'il est sans doute illusoire de trop revenir vers le "jadis", comment s'en empêcher?

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  2. Je viens de découvrir le poème 22h22 , j'ai écrit quelques lignes de commentaire.
    En relisant juste après ce commentaire que vous faites de P. Quignard, je trouve que vous illustrez dans celui-là magnifiquement et dans votre poésie cela: "le fait de dire".
    Merci pour tout cela!

    Marie-Brigitte Ruel

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    1. Disons que c'est ce que j'essaie de faire, et si j'y arrive de temps en temps, c'est déjà énorme. Merci en tout cas pour ce beau compliment !

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