Dans le recueil de Xavier Person Extravague, les vagues du rêve vont et viennent sans fin, comme celles
de la mer – les phrases du rêve. Les phrases et les vagues de l’amour.
Rêve, amour, phrase : pareil. La même eau. On ne sait
jamais bien faire la différence. On/il plonge, nage dedans, s’en extrait parfois.
Extravaguer : sortir de la vague, ou au contraire la
suivre, loin des solides routes terrestres ?
Réorganisation d’une phrase en lieu et place de sa
répétition
Une phrase plongée dans l’eau se voit tordue par ses
mouvements, essayant d’en décrire l’absence de couleurs je me trouve confondu
avec celle-ci, je m’écoule, je fais corps avec cette phrase, dans presque une
eau tumultueuse, je n’en vois pas d’abord la fin, je cherche à m’assoupir sur
un matelas plein d’eau, je prends trop de temps pour tomber, après le départ
trop brusque d’un rêve, attiré par sa chute, par ce qui dans sa chute en motive
le cours, à un moment je n’en reviens pas de tout ce qui s’avère possible aux
limites incertaines de cette phrase, du seul fait que je nage encore, essayant de
décrire les choses, rêvant d’une phrase mais sans jamais vraiment en atteindre
le fond, ayant tout perdu à un moment, ayant aimé cela, ayant aimé cette phrase
comme jamais aucune phrase, alors que je dormais déjà, que tout scintillait,
sans rien, déjà si loin.
Xavier Person, Extravague, Le bleu du ciel, 2009
Bill Viola, Ascension (extrait de film vidéo) |
On est saisi ici par la plasticité du langage. Les frontières sont abolies entre syntaxe pensée et parole: tout baigne dans le même bain liquide. Ce qui permet à l'imagination et à la pensée de ne faire qu'un en une sorte de magma indifférencié. Comme si l'on atteignait un pays inconnu où résiderait la source de l'inspiration, que ce soit poésie, rêve ou pensée brute. Étrange sensation de lire une nouvelle langue, tentative d'approche des confins de la pensée ? Ou tentative de poème? Ou les deux à la fois?
RépondreSupprimerMarie-Brigitte RUEL
Nerval avait "rêvé dans la grotte où nage la sirène", Person rêve et nage à la fois - avec la sirène de la langue, peut-être ?
Supprimer"... ayant tout perdu à un moment, ayant aimé cela, ayant aimé cette phrase comme jamais aucune phrase..." il y a de la jouissance là -dedans à s'abandonner au flux du rêve comme il pourrait y en avoir à se laisser porter par la phrase qui s'impose d'elle-même. C'est ce que vous appelez : la sirène de la langue ?
RépondreSupprimerM.B.R.
Oui, je pense que je ne saurais pas mieux dire que vous ne le faites ! Une sirène, n'est-ce pas du rêve, de l'illusion, et aussi en même temps quelque chose qui attire et auquel on ne peut de toute façon pas échapper ? (Et puis ça vit dans l'eau.) Comment - et pourquoi - échapper à la langue et à ses beaux rêves ?
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