Ça commence par quatre vers magnifiques de Federico Garcia Lorca en
épigraphe – que je ne peux pas résister au plaisir de citer ici :
Jaca negra, luna grande,
y aceitunas en mi alforja.
Aunque sepa los caminos,
yo nunca llegaré a Córdoba.
Lune
grande, jument noire,
olives
dans mon bissac.
J’ai beau
connaître la route,
je
n’atteindrai jamais Cordoue.
Le « chasseur immobile » de Fabrice Farre lui non plus n’atteindra
jamais Cordoue. Mais sa route à lui ressemble plutôt aux rues des villes
modernes. C’est une route ponctuée de poèmes courts en vers libres, chacun avec
son titre, chacun avec son image, sa présence, son désir. On sait d’avance que
cette route ne mène à aucune destination nommable (« La fin d’une route
conduit / toujours en dehors du monde »). Raison de plus pour accorder une
attention particulière au présent, au « hic », au quotidien, et d’atteindre
à défaut de Cordoue une certaine forme de sagesse, peut-être : « là-bas
les dernières paroles au débit irrégulier / révèlent l’état du chéneau dans la
cour / visité par le quotidien non potable qui fuit ».
Poésie désabusée mais pas désenchantée, « immobile » mais nullement
figée, qui débusque partout une forme de lyrisme mélancolique – métaphore,
association surréaliste –, dans la chambre ou dans la rue, jusqu’à l’intérieur
de la poche où la main roule un petit caillou.
Désir
Quand on passe, les chevaux rallongent
leur cou, on voudrait leur donner
du pain, mais on hésite. On
garde les mains dans nos poches.
Ils sont habitués par les présences
qui errent aux lucarnes de leurs yeux
le long des écuries. Ils s’étirent
et se déforment. Du vent
serait issu un cavalier possible.
Le désir désarçonné n’aurait-il plus de mains.
Le chasseur
immobile a été publié en 2014 aux toutes jeunes éditions Le Citron Gare, et illustré par de
très belles images de Sophie Brassart.
© Sophie Brassart |
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