Reiner Kunze est un poète allemand de l’ex-RDA, passé en RFA
avant la chute du mur pour cause de persécution politique. Je l’ai d’abord
découvert grâce à l’émission de France Culture Ça rime à quoi – rappelons l’existence de celle-ci, car les
émissions consacrées uniquement à la poésie ne courent pas les rues ! Son
recueil paru récemment chez Cheyne, Un Jour sur cette terre, est magnifique.
D’une manière générale, je connais très mal la poésie
allemande, pour la raison que je ne lis pas du tout l’allemand. Et que je
trouve souvent frustrant de ne pouvoir lire un poème qu’en traduction, sans
être capable de me référer ne serait-ce que partiellement à la langue
originale.
— Se pose toujours la vieille question de la possibilité de
traduire des poèmes : dans quelle mesure une telle entreprise est-elle
réalisable ? Je reconnais que ma position est très ambivalente sur le
sujet : en tant que productrice de textes, l’exercice de la traduction me
passionne et me stimule énormément ; en tant que lectrice, je suis souvent
obligée de m’avouer déçue par les textes traduits, quelle que soit la qualité du
ou de la traductrice !
Mais en lisant Un Jour sur cette terre, justement, je n’ai pas du tout ressenti de
déception. Je salue donc ici tout particulièrement la traductrice, Mireille
Gansel : bravo ! Transmission poétique réussie !
Reiner Kunze pratique la densité, la brièveté, l’intensité ; la
sagesse, la compassion, la contemplation. Voici deux de ses textes, avec en
regard – tout de même – l’original en allemand.
Réponse
Mon père, dites-vous,
mon père au fond de la mine
a des entailles dans le dos,
cicatrices,
traces croûteuses des pierres éboulées,
mais moi, je
chanterais l’amour
Je dis :
justement, pour cela même
Antwort
Mein vater, sagt
ihr,
mein vater im
schacht
habe risse im
rücken,
narben,
grindige spuren
niedergegangenen gesteins,
ich aber, ich
sänge die liebe
Ich sage:
eben, deshalb
1956
Chardon argenté
S’en tenir
à la terre
Ne pas jeter d’ombre
sur d’autres
Être dans l’ombre des autres
une clarté
Silberdistel
Sich zurückhalten
an der erde
Keinen schatten
werfen
auf andere
Im schatten
der anderen
leuchten
1978
Un Jour sur cette terre, traduction Mireille
Gansel, Cheyne, 2007