Hommage aux revues (2) : Torild Wardenaer dans Décharge


Comment aborder la poésie internationale contemporaine sans l'aide d'un médiateur comme les revues ? Par exemple, que connaîtrais-je du charme de certains poètes norvégiens sans les échantillons qu’en donne le numéro 154 de Décharge ?
Un texte de la poète Torild Wardenaer, née en 1951 :


Rapport de déesse VII

J’entends quelqu'un dire que Paris a rompu ses amarres et qu’on l’a vu planer au-dessus d’une cour d’école en Finlande. Cela ne me surprend pas, j’ai toujours pensé que les métropoles finiront par se détacher pour dériver vers le nord, vers les grands deltas de la Laponie. La rumeur m’incite à lire la théorie de la relativité, mais je n’y comprends vraiment rien, et au lieu de ça je taille dans ma chevelure, elle est belle et sombre pleine de minéraux de traces de matière alors je l’étale sur la terre du carré de légumes m’en retourne tout droit vers l’an 1410 me jette dans l’herbe car c’est l’été et je suis dans la force de l’âge et l’Hadès, heureusement, n’est qu’un lieu quelque part dans l’Antiquité.

Torild Wardenaer, Décharge n° 154
(traduit par Anne-Marie Soulier)


© Elena Chernyshova, série Norilsk

3 commentaires:

  1. Quelle tirade à bout de souffle, sans pause ni respiration!
    Juste 3 segments de la plus courte à la dernière longue phrase qui s'étire à l'infini dans un délire poétique qui réunit des sphères normalement inconciliables mais qui ici se recouvrent pour ne pas atteindre trop vite l'Hadès et rejoindre l'Antiquité. La phrase de départ ne laissait rien présager de tout ce voyage dans le temps! Le temps et l'espace -temps...

    Marie-Brigitte Ruel

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    1. La déesse s'emballe !
      (Pas facile d'ailleurs de trouver une image en écho à ce poème : une image qui colle à la fois avec les deltas de Laponie, l'an 1410, l'été, l'Hadès antique...)

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    2. Pas facile en effet de trouver une image qui corresponde, mais elle est tout à fait dans le droit fil. J'avais omis de vous remercier pour cette nouvelle découverte, une de plus!
      Ce texte m'a évoqué la filmographie de Jane Camion, aussi bien "La leçon de piano" ou "Bright Star" que la série "Top of the lake", allez savoir pourquoi ! Bizarre, encore une artiste femme...
      M.B. RUEL

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