Un autre poète qui a subi, aux temps mornes du fascisme en
Europe,
une déportation dans un lieu oublié des dieux et léché par la
Méditerranée : l’Italien Cesare Pavese a passé quelques mois, en 1935-1936, dans un petit
village de Calabre, où rien n’a pu l’arracher à l’ennui et au dégoût (Pavese
n’aimait pas la mer).
Il y a écrit, entre autres, ce poème au titre plein d’ironie
triste, et que je trouve assez bouleversant.
Mito
Verrà il giorno
che il giovane dio sarà un uomo,
senza pena, col
morto sorriso dell'uomo
che ha compreso.
Anche il sole trascorre remoto
arrossando le
spiagge. Verrà il giorno che il dio
non saprà più
dov'erano le spiagge d'un tempo.
Ci si sveglia un
mattino che è morta l'estate,
e negli occhi
tumultuano ancora splendori
come ieri, e
all'orecchio i fragori del sole
fatto sangue. È
mutato il colore del mondo.
La montagna non
tocca piú il cielo; le nubi
non s'ammassano
piú come frutti; nell'acqua
non traspare più
un ciottolo. Il corpo di un uomo
pensieroso si
piega, dove un dio respirava.
Il gran sole è
finito, e l'odore di terra,
e la libera
strada, colorata di gente
che ignorava la
morte. Non si muore d'estate.
Se qualcuno
spariva, c'era il giovane dio
che viveva per
tutti e ignorava la morte.
Su di lui la
tristezza era un'ombra di nube.
Il suo passo
stupiva la terra.
Ora pesa
la stanchezza su
tutte le membra dell'uomo,
senza pena, la
calma stanchezza dell'alba
che apre un
giorno di pioggia. Le spiagge oscurate
non conoscono il
giovane, che un tempo bastava
le guardasse. Né
il mare dell'aria rivive
al respiro. Si
piegano le labbra dell'uomo
rassegnate, a
sorridere davanti alla terra.
Cesare Pavese, Lavorare stanca, Einaudi
Mythe
Un jour viendra où
le jeune dieu sera un homme,
sans souffrance,
avec le sourire mort
de l’homme qui a
compris. Le soleil lui aussi glisse au loin,
en rougissant les
plages. Un jour viendra où le dieu
ne saura plus où
étaient les plages de jadis.
On s’éveille un
matin : l’été est déjà mort,
dans les yeux
grondent encore des splendeurs,
comme hier, et à
l’oreille le fracas du soleil
devenu sang. Le
monde a changé de couleur.
La montagne ne
touche plus le ciel ; les nuages
ne s’amoncellent
plus comme les fruits ; dans l’eau
pas un galet
n’affleure. Un corps d’homme
se courbe pensif, où
respirait un dieu.
C’est la fin du
grand soleil d’été et de l’odeur de terre
et de la route
libre, animée par un peuple
qui ignorait la
mort. On ne meurt pas l’été.
Si quelqu’un venait
à disparaître, il y avait le jeune dieu
qui vivait pour les
autres et ignorait la mort.
Sur lui, la
tristesse n’était que l’ombre d’un nuage.
Son pas étonnait la
terre.
Maintenant,
la lassitude pèse
sur les membres de cet homme,
sans
souffrance : la calme lassitude d’une aube
ouvrant un jour de
pluie. Les plages assombries
sur lesquelles jadis
il n’avait qu’à poser son regard
ne connaissent plus
le dieu. Et l’océan de l’air
ne revit plus au
souffle. Les lèvres de l’homme
se plissent
résignées, pour sourire devant la terre.
Cesare Pavese, Travailler
fatigue,
traduction de Gilles de
Van, Poésie Gallimard, 1979
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Calder, Orange moons |