Un poème de Toni Morrison



La critique littéraire américaine et européenne s’interroge régulièrement pour savoir qui est, qui sera le grand romancier américain de notre époque, le grand peintre contemporain de l’Amérique (ô classements !). Philip Roth, Cormac McCarthy, Thomas Pynchon, Jonathan Franzen ? un autre ? voire une autre, peut-être ?

Pour moi, sans aucun doute possible, c’est Toni Morrison qui est – puisqu’il faut parler au masculin – le grand romancier américain de notre époque.

Et elle est aussi un grand poète, une grande poète : tous ses romans sont en réalité des poèmes en prose. Il lui arrive d’ailleurs parfois d’écrire en vers.
Home, son dernier roman, s’ouvre ainsi :



Whose house is this?
Whose night keeps out the light
In here?
Say, who owns this house?
It’s not mine.
I dreamed another, sweeter, brighter
With a view of lakes crossed in painted boats;
Of fields wide as arms open for me.
This house is strange.
Its shadows lie.
Say, tell me, why does its lock fit my key?

Toni Morrison, Home, 2012





A qui est cette maison ?

A qui est la nuit qui chasse la lumière
D’ici ?
Dis, à qui appartient cette maison ?
Ce n’est pas la mienne.
J’ai rêvé d’une autre, plus douce, plus claire,
Avec vue sur des lacs sillonnés de bateaux peints ;
Sur des champs larges comme des bras ouverts pour moi.
Cette maison est étrange.
Ses ombres mentent.
Dis, dis-moi, pourquoi sa serrure correspond-elle à ma clé ?

Traduction Murièle Camac


Photo Diane Arbus

2 commentaires:

  1. Comment mieux exprimer l'exil intérieur, le manque existentiel et ce sentiment d'étrangeté qui quelquefois, s'empare de tout un chacun?
    Jamais une maison suffira à combler cette inquiétude. Mais ce n'est que de la paraphrase autour de cette pépite ciselée...
    Merci pour ce très beau poème et sa traduction si ...authentique !

    Marie- Brigitte Ruel

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    1. "pépite ciselée", je suis bien d'accord...
      (Paraphrase peut-être, mais belle paraphrase en tout cas !)

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