Note de lecture: "Je te vois" de Murièle Modély

Murièle Modély a publié quatre recueils en deux ans : un beau rythme, qui dit l’urgence de l’écriture chez cette poète dont je suis l’évolution depuis le début. Elle vient de faire paraître Je te vois aux éditions du Cygne.

Il y a toujours un fil narratif dans les recueils de Murièle Modély, et c’est le cas ici. Mais le minimalisme est de mise : un couple dans une chambre, c’est tout. Une femme et un homme, « je » et « tu ». Deux corps nus, qui « font l’amour » ou « baisent » (c’est selon) puis se séparent ; un regard qui se pose sur l’autre (« je te vois ») ou bien s’en éloigne ; une langue qui cherche à émerger, avec les mêmes difficultés et hésitations, avec les mêmes va-et-vient que le couple se formant et se déformant. Dans Je te vois, le regard est un sexe et le sexe un instrument d’écriture. Les seuls moyens d’espérer laisser le « chaos » dehors.



les spasmes
sont les flèches plantées dans le petit matin
de mon demi sommeil
qui hésite
pressent la chute
l’amour
disparu
à venir
je mets ton visage en plein cœur de la cible
mes yeux sont ouverts l’arc est entre mes mains
mon geste est sûr la pointe entre tes reins
je tire :
tout revient à sa place


Murièle Modély, Je te vois, éditions du Cygne, 2014


Photo Henri Cartier-Bresson

Nouveau recueil : La mer devrait suffire


Je reprends ce blog, après une pause un peu plus longue que prévu, pour annoncer la parution aux éditions Henry de mon deuxième recueil, La Mer devrait suffire, dans la sympathique collection La main aux poètes.




La vignette de couverture est d’Isabelle Clément.

Le prix est de 8 €.

La commande se fait chez votre libraire, ou directement auprès des éditions :
ZI de Campigneulles-les-Petites – 62170 Montreuil-sur-Mer


- Une note de lecture de Samuel Dudouit dans la revue Paysages écrits (n° 26) :
https://sites.google.com/site/revuepaysagesecrits/archives/numero-26/pe26---s-dudouit-sur-m-camac
- Une note de lecture sur le blog de Murièle Modély :
http://l-oeil-bande.blogspot.fr/search/label/Muri%C3%A8le%20Camac
- Une note de lecture sur le blog de Patrice Maltaverne :
http://poesiechroniquetamalle.centerblog.net/102--la-mer-devrait-suffire-de-muriele-camac
- Un poème du recueil à lire sur le blog de Pierre Maubé :
http://poesiemaintenant.hautetfort.com/archive/2014/11/05/muriele-camac-5466081.html
- Un poème du recueil à lire sur le blog "Un poil de plume...":
http://unpoildeplume.canalblog.com/archives/2014/11/22/31004048.html

A lire aussi en version papier :
- La note de lecture de Jacmo dans le numéro 164 de la revue Décharge.
- La note de lecture de Guy Chaty dans le numéro 62 de la revue Poésie/première.
- La note de lecture de Jean-François Mathé dans le numéro 119 de la revue Friches.
- La note de lecture d'Alain Wexler dans le numéro 161 de la revue Verso.
- La note de lecture dans le numéro 37-38 de la revue Contre-allées.

Royauté (et mystère) de Rimbaud


Une petite envie de Rimbaud.
Personnellement, ce n’est qu’à 30 passés que j’ai – je ne veux pas dire compris, ce n’est pas le bon mot – mais que j’ai embrassé la poésie de Rimbaud, comme une aube d’été. Ça m’a pris des années, des années.
A vrai dire, Rimbaud a tendance à m’exaspérer, encore maintenant. Son côté trop adolescent me saute aux oreilles, je trouve qu’il exagère, j’ai envie de ne pas être d’accord. Mais, plus encore qu’il m’exaspère, il me sidère, à chaque fois. Chaque mot qu’il utilise me semble à la fois totalement étranger à mon langage et exactement celui qu’il faut.
L’un des plus grands mystères de la poésie.


Royauté

Un beau matin, chez un peuple fort doux, un homme et une femme superbes criaient sur la place publique : "Mes amis, je veux qu'elle soit reine !" "Je veux être reine !" Elle riait et tremblait. Il parlait aux amis de révélation, d'épreuve terminée. Ils se pâmaient l'un contre l'autre.
En effet ils furent rois toute une matinée où les tentures carminées se relevèrent sur les maisons, et tout l'après-midi, où ils s'avancèrent du côté des jardins de palmes.

Arthur Rimbaud, Illuminations

Camille Claudel, La valse

Vide-poche : Antoine Emaz

Je ne peux comprendre une poésie sans émotion parce que l’ennui me saisit immédiatement, autant que le sentiment du dérisoire. C’est bête à dire, mais il faut qu’un livre me touche, qu’il me donne un surcroît de vivre autant que de langue, sinon pourquoi veut-il me voler mon temps ?


Antoine Emaz dans Cambouis, Seuil, 2009


Rembrandt, Autoportrait


Vide-poche : Geneviève Peigné


La poésie comme faire les vitres
tant d’efforts
pour éclaircir au mieux
la séparation.

Geneviève Peigné in A défaut de miracle, aux éditions Potentille, 2012


© Bernard Guillot





Hommage aux revues (3) : Jean-François Mathé dans Friches


Si l’ombre de la moindre feuille qui s’envole
est une main,
je lui donne la mienne
pour partir loin d’ici
où mes cinq doigts
n’ont jamais rien su saisir.

Sont passés l’eau, le sable, le temps,
je reste vide comme le vent d’un pays sans arbres
et le regard clair de n’avoir rien vu.

J’irai où le veut l’ombre,
le cœur papillon encore vivant
battant contre des lampes toujours éteintes,
comme éteintes les illusions.

Jean-François Mathé dans Friches n° 109


Helene Schjerfbeck, Autoportrait à la tache rouge

Soirée Verso : lecture à la Lucarne des Ecrivains


Mercredi 11 juin 2014 à 19h30 :
SOIRÉE AVEC LA REVUE VERSO
à la librairie La Lucarne des Écrivains à Paris

En présence d’Alain Wexler, et en compagnie  des poètes Murièle Camac, Guillaume Decourt, Rodolphe Houllé et Elisabeth Rossé.

Hommage aux revues (2) : Torild Wardenaer dans Décharge


Comment aborder la poésie internationale contemporaine sans l'aide d'un médiateur comme les revues ? Par exemple, que connaîtrais-je du charme de certains poètes norvégiens sans les échantillons qu’en donne le numéro 154 de Décharge ?
Un texte de la poète Torild Wardenaer, née en 1951 :


Rapport de déesse VII

J’entends quelqu'un dire que Paris a rompu ses amarres et qu’on l’a vu planer au-dessus d’une cour d’école en Finlande. Cela ne me surprend pas, j’ai toujours pensé que les métropoles finiront par se détacher pour dériver vers le nord, vers les grands deltas de la Laponie. La rumeur m’incite à lire la théorie de la relativité, mais je n’y comprends vraiment rien, et au lieu de ça je taille dans ma chevelure, elle est belle et sombre pleine de minéraux de traces de matière alors je l’étale sur la terre du carré de légumes m’en retourne tout droit vers l’an 1410 me jette dans l’herbe car c’est l’été et je suis dans la force de l’âge et l’Hadès, heureusement, n’est qu’un lieu quelque part dans l’Antiquité.

Torild Wardenaer, Décharge n° 154
(traduit par Anne-Marie Soulier)


© Elena Chernyshova, série Norilsk